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Les seniors, des candidats “à potentiel” pour les centres d’appels

Les pratiques | publié le : 22.03.2011 | SABINE GERMAIN

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Les seniors, des candidats “à potentiel” pour les centres d’appels

Crédit photo SABINE GERMAIN

Sans être un raz-de-marée, le mouvement de recrutement de seniors dans les centres d’appels n’en est pas moins réel. Dans la relation client, ces salariés d’un nouveau genre ne manquent pas d’atouts, selon les entreprises qui savent les employer.

« La relation client est une profession jeune, qui a grossi très vite, essentiellement avec des jeunes. D’ailleurs, la moyenne d’âge n’excède pas 26 ans. Mais elle commence à découvrir et à apprécier les vertus des seniors », explique Eric Dadian, président de l’Association française de la relation client (AFRC).

Figure de proue de ce mouvement de “seniorisation” de la relation client, Convers en a fait sa marque de fabrique dès sa création, en 1998 : « Les quatre associés-fondateurs avaient déjà une solide expérience de la relation client, se souvient Philippe de Gibon, directeur général. Quand nous avons créé Convers, nous savions que nous devions nous différencier. » C’est précisément par sa gestion sociale que cette entreprise niçoise a choisi de se démarquer : « La profession misait alors beaucoup sur les étudiants, sans la moindre gestion des carrières et des compétences, avec un très fort turn-over. Ce qui finissait par nuire à la qualité. » Convers prend le contre-pied et décide de travailler avec des femmes de 30 à 45 ans, des « mères de famille désireuses de “reprendre une activité professionnelle”. Nous nous sommes très vite rendu compte que la maturité était un plus. » C’est ainsi que, depuis douze ans cette entreprise de 130 salariés emploie en moyenne 30 % de salariés de plus de 50 ans. Avec succès : alors que le turn-over dépasse couramment 50 % dans la profession, Convers parvient à fidéliser ses salariés, qui restent en moyenne deux ans.

Plus attentifs à la satisfaction des clients

Pour sa part, le groupe CCA International (4 000 salariés sur 13 sites) a toujours veillé à la diversité de ses équipes. La tranche des plus de 45 ans ne représente encore que 7 % des effectifs, mais Laurence Le Tiec, directrice générale, croit beaucoup aux vertus des seniors. « La maturité est un atout dans la relation commerciale, observe-t-elle. Les seniors sont plus posés, ont une meilleure expression – orale et écrite –, perdent moins facilement leur calme face à des clients agressifs. Ils ont également un autre rapport au travail : la rigueur et la ponctualité restent à leurs yeux des notions importantes. » A fortiori quand ils ont été éloignés de l’emploi.

En 2010, EDF a expérimenté dans deux régions (Grand-Centre et Nord-Ouest) un dispositif d’intégration de demandeurs d’emplois seniors (plus de 57 ans) ayant une pratique de la relation client. L’expérience a été si concluante qu’elle a été étendue à l’ensemble du territoire. « Ces nouveaux collaborateurs ont une véritable fierté d’appartenance au groupe », explique-t-on chez EDF. Et pour cause : sortis précocement du marché du travail (autour de 50 ans), ils ont souvent traversé une période de précarité, en chômage non indemnisé, avec la perspective d’avoir une retraite minorée par leur durée de cotisation. De fait, EDF a ciblé en priorité des personnes à qui il manquait au moins seize trimestres de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Résultat : « Les seniors sont effectivement ponctuels et rigoureux. Ils sont surtout particulièrement attentifs à la satisfaction des clients. Quitte à prendre leur temps. Ils sont peut-être moins productifs que les jeunes, mais vont au bout des choses », précise-t-on à EDF.

Succès sous condition

L’intégration des seniors s’inscrit souvent dans le mouvement de reconversion de certains bassins d’emplois : des élus tentent de pallier l’effilochage de leur tissu industriel en attirant des activités de services par des subventions. Mais ces entreprises de relation client ont parfois du mal à tenir les engagements sociaux pris lors de leur implantation dans certains bassins d’emplois sinistrés : un ouvrier posté quinze ou trente ans dans une usine ne devient pas conseiller clientèle du jour au lendemain.

Arvato Services (1 700 salariés dans le Pas-de-Calais) peut en témoigner : cette filiale du groupe Bertelsmann, spécialiste de la logistique et du marketing opérationnel, prévoit de reconvertir cette année, sur la base du volontariat, une cinquantaine de seniors, ouvriers ou employés, dans ses entrepôts logistiques. Mais l’entreprise se donne le temps et les moyens d’accompagner leur passage vers les centres d’appels : elle mobilise 320 000 euros (près de la moitié étant pris en charge par l’Opca) pour financer un programme de cinq cents heures de formation, d’immersion et de tutorat.

Le dispositif “nouveau départ”, expérimenté en 2009 auprès de 34 salariés, a certes fait ses preuves, puisqu’il est relancé en 2011, avec une cinquantaine de collaborateurs cette fois. Mais il a aussi fait apparaître le très haut niveau d’accompagnement et d’individualisation nécessaire pour réussir ce type de reconversion.

Sans même parler de reconversion, l’intégration de seniors requiert de la part des centres d’appels un véritable engagement : « Tant que la profession restera dans la seule logique de réduction des charges, avec une régulation par le turn-over, ce ne sera pas possible », soupire Laurent Bogros Le Clézio, directeur général adjoint d’Upsale Group. Ce cabinet de conseil a voulu lancer l’an passé une étude sur l’opportunité que représentent les seniors dans la relation client. Faute d’écho auprès des entreprises, il a dû renoncer. « Dommage, car je suis convaincu que les seniors peuvent apporter beaucoup aux centres d’appels, en expérience, mais aussi en aides financières et fiscales ! »

Temps choisi

Le directeur général de Convers ne dit pas le contraire. Mais il ajoute : « A condition qu’on sache les attirer et les retenir. » C’est tout le pari fait par cette entreprise qui, outre un cadre de travail agréable, à deux pas d’un parc botanique, a donné un coup de pouce aux rémunérations. « Nous sommes 9 % au-dessus de la branche, dont la grille de rémunération reste calée sur le smic. Ce surcoût salarial n’alourdit pas nos coûts de production, puisque le turn-over oblige nos concurrents à investir dans la formation et l’intégration de leurs collaborateurs », explique Philippe de Gibon.

Convers a aussi mis au point un contrat de travail à temps choisi : toutes les semaines, chaque collaborateur choisit son planning et ses horaires. Deux fois par an, il peut changer contractuellement son volume d’heures hebdomadaires. « Cela nous permet d’attirer des profils qui refusent habituellement de travailler sur des centres d’appels : des assistants de direction ou des ingénieurs en rupture de carrière, par exemple. » C’est ainsi qu’un ingénieur entré chez Convers à l’âge de 68 ans est resté dix ans (à temps partiel) dans l’entreprise. « Il a fini par prendre sa retraite l’an passé, à l’âge de 78 ans, après avoir fait un boulot extraordinaire ! »

L’essentiel

1 L’entreprise niçoise de relation client Convers a été pionnière en décidant dès sa création d’embaucher des seniors.

Avec 30 % de salariés de plus de 50 ans, elle bénéficie d’un faible turn-over.

2 D’autres groupes suivent ses traces (CCA International ou EDF), car les seniors ont des qualités indéniables en matière de relation client : rigueur, ponctualité, patience, meilleure expression.

3 L’intégration de seniors, qui augmente à terme la productivité, implique des efforts : formation, salaires, temps de travail aménagé. La profession doit sortir de la seule logique de réduction de charges.

La relation client en chiffres

→ 3 500 centres d’appels.

→ 260 000 emplois (210 000 équivalents temps plein).

→ 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

→ 26 ans d’âge moyen.

Source : Association française de la relation client (AFRC).

Auteur

  • SABINE GERMAIN