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Enquête

Former et contrôler pour modifier les comportements

Enquête | publié le : 22.03.2011 | V. L.

Vinci Construction a lancé l’an dernier une campagne de prévention contre les drogues, axée sur la sensibilisation et la formation de tous les salariés, auxquelles s’ajoute un volet de contrôles aléatoires.

Ce mois de mars, des affiches témoignant de la dangerosité des drogues en milieu de travail devraient fleurir sur les sites de Vinci Construction France. Forte d’une démarche déjà existante contre l’addiction à l’alcool, début 2010, la direction de l’entreprise de BTP a voulu lancer une politique de prévention centrée sur la drogue et sur certains médicaments pouvant agir sur le comportement. Des tests anonymes menés sur les chantiers l’ont d’ailleurs confortée dans cette volonté : près de 20 % des 1 500 collaborateurs contrôlés se sont révélés sous l’empire d’un produit susceptible de modifier leur comportement.

Deux volets indissociables

« Notre président a demandé à toutes les directions régionales de lancer des démarches en la matière tout en leur laissant une autonomie quant à la manière de faire, avec toutefois deux volets indissociables : prévention et contrôle », énonce Jörgen Mareau, directeur de la prévention de Vinci Construction France. L’ensemble de l’opération n’en est qu’à ses débuts.

Stéphane Gigou, DRH de la filiale Sogea Sud (Languedoc-Roussillon, 300 salariés), fait partie des pionniers qui ont déployé cette politique dès 2010 : « Nous sommes conscients d’avoir, comme dans la société civile, des personnes susceptibles de présenter une addiction aux drogues, à l’alcool ou aux médicaments, et nous devons répondre à notre obligation de résultat en matière de sécurité, expose-t-il. Le directeur régional a été moteur sur le sujet, et le dialogue social avec le comité d’entreprise et le CHSCT s’est engagé, en y associant le médecin du travail. Nous sommes parvenus à un consensus autour des modalités de la prévention et d’un contrôle qui pourrait concerner tous les effectifs, définis comme population à risques. » Une démarche inscrite au règlement intérieur et validée par l’inspection du travail. Une exception dans le groupe, où « certains CHSCT ont ciblé comme personnels sensibles les grutiers, les conducteurs d’engin, ou des salariés travaillant en hauteur », souligne Jörgen Mareau.

Comme il est prévu pour l’ensemble du groupe, l’encadrement – du chef de chantier au directeur de travaux – a suivi une journée de formation avec Elicole Formation, centrée sur la détection de consommation dans leurs services, les réactions à avoir, les risques pénaux en cas d’accident liés à la consommation de produits illicites et le mode d’emploi des tests de dépistage salivaires. Les compagnons se sont vu dispenser des demi-journées de sensibilisation, où on leur explique les dangers des différents types de drogues et le fonctionnement des tests. Cette sensibilisation a ensuite été relayée par communication écrite, affichage et lors du quart d’heure sécurité du lundi matin.

« A l’issue des sensibilisations, certains salariés sont venus dire spontanément qu’ils avaient un problème, et nous les avons orientés vers un des centres d’aide à la désintoxication en région. Le médecin du travail a aussi été informé systématiquement », précise Stéphane Gigou. Chez Sogea Sud, des contrôles préventifs ont eu lieu en 2010 et jusqu’en janvier 2011, auprès de plus de 160 personnes (salariés et intérimaires), prévenues du jour de contrôle. Bilan : 3 personnes, dont 2 intérimaires, étaient positives.

Sanction en cas de récidive

« Il n’y a pas de volonté de sanction de notre part, souligne Jörgen Mareau, sauf en cas de récidive, alors même qu’on a proposé un accompagnement médical ou si un salarié est surpris en train de fumer du cannabis sur un chantier. »

« Si un test s’avère positif, l’employeur envoie le salarié auprès du médecin du travail, qui ne se prononcera qu’en terme d’aptitude au travail. Les tests ne sont pas le reflet de troubles du comportement, car ils peuvent être positifs bien après l’effet de la drogue. Nous devons nous préoccuper non pas de la substance, mais du trouble qui va empêcher un salarié de travailler en toute sécurité », explique Margareth Weill, médecin du travail (à l’AST67, association Alsace Santé au travail), qui suit 74 salariés pour les filiales Dumez et GTM.

Les addictions évoluent

Frédéric Mau, délégué syndical central d’Eurovia (filiale de Vinci), secrétaire régional CGT Bois construction ameublement, s’il ne nie pas l’intérêt de l’initiative de la direction, rappelle qu’avant « le renforcement de la responsabilité pénale en cas d’accidents, l’encadrement nous abreuvait pour tenir ; l’alcool circulait sur les chantiers. Aujourd’hui, la drogue se diffuse dans la société, donc aussi sur les chantiers. Certains prennent des dopants. Avant c’était l’alcool, aujourd’hui, c’est autre chose. Il ne faut pas oublier que dans le BTP 7 salariés sur 10 sortent des effectifs avant 60 ans. »

VINCI CONSTRUCTION FRANCE

• Activité : bâtiment, génie civil, travaux hydrauliques et services.

• Effectifs : 64 338 collaborateurs en 2010, dont 23 500 en France.

• Chiffre d’affaires : 13,118 milliards d’euros en 2010, dont 53 % en France.

Auteur

  • V. L.