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Lire dans les entrailles des oiseaux

Enjeux | Chronique de Meryem Le Saget | publié le : 22.03.2011 |

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Lire dans les entrailles des oiseaux

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Sous stress, curieusement, la vaste panoplie des comportements humains qui fait la force d’une communauté de travail se rétrécit. Comme si nous avions, les uns et les autres, moins d’options à notre disposition. Dommage, à une époque où construire un nouvel avenir s’avère si important ! La pression nous entraîne vers des comportements extrêmes, nous ne savons plus agir avec sagesse et pertinence. Les conséquences de ce décentrage sont multiples.

Pour commencer, les situations quotidiennes deviennent plus émotionnelles parce qu’on se sent facilement agressé. Par exemple, on s’énerve devant un e-mail avant même d’avoir fini sa lecture ; on prend pour soi les remarques d’un collègue en oubliant de prendre du recul. On devient très susceptible, finalement. Plus d’humour, plus de discernement, plus d’objectivité.

Pour faire face à cette montée de l’émotion, une réaction simple est de retourner la faute contre autrui. On pourrait presque mesurer la tension intérieure d’un individu à sa capacité de critiquer les autres et les situations. Les comportements d’écoute, de compréhension ou d’inclusion ne sont plus accessibles. Il reste les jugements bien actifs et catégoriques de préférence : « J’ai raison, ils ont tort. » « Cette situation est lamentable. »

Bref, on ne communique plus, on s’échange des évaluations. Dans ce climat peu propice au dialogue fructueux et au rapprochement, chacun bascule vers les extrêmes : selon ses tendances de personnalité, on devient plus lent, plus contrôlant, plus dilettante, plus excité, plus déçu, plus débordé, plus intransigeant. Difficile de faire entendre une voix mesurée dans ce concert de personnes qui veulent toutes être écoutées…

Ensuite, l’horizon temporel de chacun se rétrécit. Au lieu de se projeter à six mois ou un an et de prendre naturellement des décisions intégrant le moyen terme, on ne voit plus qu’à la journée, en repoussant au lendemain tout le reste. Donc on ne discerne plus les priorités, car à vingt-quatre heures, tout se vaut.

Dommages collatéraux : l’intuition est en berne, car elle ne fonctionne pas dans le chaos. La spontanéité prend le relais. Malheureusement, trop de gens confondent les deux. Autant l’intuition est profonde et fiable, autant la spontanéité est discutable : mue par l’impulsion du moment, elle est souvent mauvais juge.

La deuxième victime du climat de pression est la pensée systémique. Les personnes n’arrivent plus à voir les liens entre les services, les projets, les actions. Elles lancent impulsivement des initiatives sans se questionner sur les effets de leurs actes sur les autres. Pas étonnant qu’elles ne se sentent pas solidaires, puisqu’elles ne sont pas conscientes de leur interdépendance. Et l’entreprise continue, sous le feu de l’action, mais pas toujours dans la richesse de la coconstruction.

Sans intuition ni pensée systémique, il ne nous reste plus que les Powerpoint pour éclairer le futur… Brillamment, ces derniers tiennent le rôle que jouaient les entrailles des oiseaux dans l’Antiquité : grâce à eux, nos experts – ou nos oracles modernes – nous éclairent l’avenir. Mais je crois que nous pouvons mieux faire. Il faut juste cultiver davantage nos dispositions profondes à la sagesse, au bon sens, à la solidarité et à l’action juste.

Meryem Le Saget est conseil en entreprise à Paris. <www.lesaget.com>