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Enjeux

L’emploi dit de mission

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 15.03.2011 | BRUNO DENKIEWICZ

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L’emploi dit de mission

Crédit photo BRUNO DENKIEWICZ

Dans les années 1970-1980, l’externalisation de l’emploi était déjà une préoccupation. Des inspecteurs du travail et des universitaires avaient abondamment critiqué cette mise en cause de la relation de travail classique, à durée indéterminée et à temps plein. Dans ce contexte, les réglementations du CDD, de l’intérim et du temps partiel constituent des dérogations, avec leur lot de contraintes, de limites, d’abus, de sanctions… Que l’objectif avancé de protection du salarié ait été atteint ou non, finalement peu importe : ces réglementations ont continué de faire les beaux jours des tribunaux et des chroniques.

Pendant ce temps, d’autres formes de collaboration se sont développées, certaines en dehors du salariat. Des réflexions doctrinales ont émergé, comme la parasubordination, chère à Jacques Barthélémy.

Plus concrètement, le salariat a connu des évolutions législatives : le temps partagé, le portage salarial.

I – Le temps partagé

Le recours au travail à temps partagé a pour objet la mise à disposition d’un salarié par une entreprise de travail à temps partagé au bénéfice d’un client utilisateur pour l’exécution d’une mission (article L. 1252-1 du Code du travail). Chaque mission donne lieu à la conclusion :

1 – d’un contrat de mise à disposition entre l’entreprise de travail à temps partagé et le client utilisateur, dit “entreprise utilisatrice” ;

2 – d’un contrat de travail, dit contrat de travail à temps partagé, entre le salarié et son employeur, l’entreprise de travail à temps partagé.

C’est de l’intérim ? NON. Est entrepreneur de travail à temps partagé toute personne physique ou morale dont l’activité exclusive est de mettre à disposition d’entreprises utilisatrices du personnel qualifié, les salariés ainsi mis à disposition l’étant pour des missions qui peuvent être à temps plein ou à temps partiel, sans autre précision en termes de motivation ou de limite dans la durée. Selon l’article L. 1252-4 du Code du travail, le contrat de travail à temps partagé est réputé être à durée indéterminée.

Il est curieux que ce dispositif n’ait pas fait l’objet de publicité. Créerait-il des problèmes ? Des précisions ont été apportées par la loi au profit des entreprises de travail temporaire qui peuvent exercer l’activité d’entreprise de travail à temps partagé. De même, il est aussi prévu que l’interdiction du prêt exclusif de main-d’œuvre à but lucratif ne soit pas plus applicable au travail temporaire qu’aux entreprises de travail à temps partagé ou au portage salarial. Vous avez bien lu : le portage salarial, encore une nouvelle réglementation ?

II – Le portage salarial

Encore un exemple d’embarras de certaines autorités pour faire évoluer le droit de l’emploi.

Suite à un accord national interprofessionnel de janvier 2008, la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 a mandaté le syndicat patronal de l’intérim pour négocier un accord collectif sur l’organisation de cette activité définie par l’article L. 1251-64 du Code du travail comme un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes, comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l’entreprise de portage.

La situation est curieuse : le portage salarial a été inséré dans le Code du travail par une loi, et pourtant des résistances continuent d’exister. Ainsi, l’Unedic n’a toujours pas reconnu cette catégorie de salariés, en attente d’un arrêté ministériel d’extension de l’accord collectif conclu le 24 juin 2010, dont l’entrée en vigueur est subordonnée à l’adoption de mesures législatives pourtant non requises par la première loi. Quand le conseil d’administration, paritaire, de l’Unedic se décidera-t-il à appliquer la réalité juridique alors que même les contrats de travail conclus avant la loi du 25 juin 2008 sont validés par les juges au fur et à mesure des contentieux liés aux refus de versement des prestations chômage ?

En conclusion, entre le contrat de travail de droit commun et les contrats de travail dits dérogatoires, une réglementation des contrats dits de mission existe ou commence à exister. Appliquons-la !

Bruno Denkiewicz, avocat conseil au cabinet Barthélémy & Associés, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.

Auteur

  • BRUNO DENKIEWICZ