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Les pratiques

ChineDes entreprises au secours des “enfants laissés derrière”

Les pratiques | publié le : 08.03.2011 | EMILIE TORGEMEN

Le boom industriel du pays précipite les Chinois des provinces démunies vers les usines du sud et de l’est. Leurs enfants, contraints de rester dans leur village, grandissent sans parents. Une difficulté que certains employeurs commencent à prendre en compte.

Dans le village de Meishan, au centre de la Chine, 500 des 800 élèves de primaire grandissent sans leurs parents, partis travailler dans les usines des provinces industrielles. Mais, depuis 2006, Unilever a équipé l’école communale d’une salle d’ordinateurs dans laquelle les petits peuvent “vidéochater” avec leurs parents. Le premier objectif est de recréer le lien entre les parents et les enfants, même à distance. « En partenariat avec la Women Association (organisation gouvernementale d’aide aux femmes, NDLR), nous avons initié la campagne ”quatre fois un” : nous encourageons les parents à écrire une fois par mois, à téléphoner une fois par semaine, à offrir un cadeau à chaque anniversaire et à rentrer une fois par an », rapporte Zeng Xiwen, directeur général d’Unilever Chine.

On estime que près de 20 millions de petits Chinois vivent sans aucun de leurs parents, surtout dans les provinces du centre et de l’ouest, les plus pauvres, où les adultes désertent les campagnes pour remplir les usines du sud et de la côte est. On les appelle les ”liushou ertong” : les ”enfants laissés derrière”.

Ecoles dédiées

En Chine, Unilever finance au total 24 écoles comme celle de Meishan, près de 3 000 enfants bénéficiant de cette aide. En quatre ans, la multinationale a dépensé 2,5 millions d’euros. Depuis 2010, Aviva investit plus de 550 000 euros chaque année dans un projet similaire. L’entreprise a fait construire 10 salles dédiées aux liushou ertong dans 10 écoles choisies dans les provinces les plus pauvres ; 250 volontaires viennent y enseigner deux jours et demi par semaine, et vont aussi dans les écoles des petits villages alentour. « A travers le monde, nous avons un programme pour remettre les enfants des rues sur le chemin de l’école, explique Ma Jingyin, responsable de la marque en Chine. Dans ce pays, nous avons identifié que ces “enfants laissés derrière” sont la vraie problématique. »

Difficultés d’adaptation

Outre les grands groupes internationaux, quelques entreprises locales tentent aussi d’agir. Ainsi, le Pdg d’une entreprise de bâtiment a fait construire une maison des liushou ertong dans sa ville natale, Yinping : « Plus de 3 000 de mes employés viennent de Yinping. La plupart des parents travaillent loin. Certains écoliers ont pris de mauvaises habitudes, ce qui empêche leurs parents de se concentrer sur leur tâche », confie Ou Longgui au quotidien économique Chongqing Business news.

Mais ces initiatives sont rares et forcément limitées. Pourtant, depuis quelques années, les chercheurs chinois tirent la sonnette d’alarme. « Selon mes enquêtes, les liushou ertong ont des difficultés à s’adapter à l’absence de leurs parents, ils vivent un sentiment d’abandon, de solitude et d’angoisse, explique le Pr Liu Zhijun, sociologue à l’université du Zhejiang. Les trajectoires mouvementées de ces enfants, qui passent du foyer de leurs grands-parents à celui d’une tante, d’un cousin, etc., les empêchent d’avoir une scolarité suivie. »

Pékin a pris conscience de la fragilité de cette population née du développement très rapide des villes industrielles de l’est. Certains gouvernements locaux ont créé des programmes spéciaux, mais ce sont précisément les provinces les plus pauvres qui comptent le plus de ces enfants privés de parents, et les ressour­ces fiscales comme humaines manquent pour soutenir ces politiques. Le problème de fond est que les petits Chinois des champs n’ont pas le droit d’étudier dans les écoles des villes à cause de leur “hukou”, un permis de résidence. Or, tant que le pouvoir refusera de réformer ce système, les enfants des migrants resteront derrière.

Auteur

  • EMILIE TORGEMEN