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« Aider les salariés parents, un enjeu de développement durable »

Enjeux | Plus loin avec | publié le : 08.03.2011 | VIOLETTE QUEUNIET

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« Aider les salariés parents, un enjeu de développement durable »

Crédit photo VIOLETTE QUEUNIET

La question de la parentalité ne doit plus rester à la porte de l’entreprise. Les organisations qui aident les parents à mieux concilier vie professionnelle et vie familiale peuvent y gagner en performance, et leurs dispositifs profitent à l’ensemble des salariés.

E & C : Vous portez le thème de la parentalité en entreprise depuis 2008 avec une charte, un observatoire et un baromètre destiné à mesurer la prise en compte de cette donnée dans les entreprises. Ce thème est-il une préoccupation en hausse ?

Jérôme Ballarin : Oui, car les entreprises ont besoin de fidéliser leurs collaborateurs et de développer leur engagement. Or, beaucoup d’enquêtes le montrent, l’aide à la conciliation vie professionnelle-vie privée apparaît comme un critère majeur du choix d’un employeur, particulièrement pour les jeunes de la génération Y. Par ailleurs, les dirigeants prennent peu à peu conscience qu’il existe un cercle vertueux entre un épanouissement pluriel des collaborateurs et la performance économique de l’entreprise. La créativité et l’innovation, essentielles dans une économie du savoir, ne se développent pas en passant vingt heures par jour à son bureau. C’est à la frontière des différentes sphères de la vie – professionnelle, familiale, artistique, spirituelle – que les idées surgissent. La qualité du service au client, l’efficacité transversale, l’intelligence collective ne sont pas au rendez-vous si les salariés sont épuisés et stressés. Toutes les mesures d’aide à la conciliation constituent donc des leviers pour mieux travailler. Si je me focalise sur la parentalité, c’est parce que les difficultés que rencontre tout salarié pour concilier ses deux vies deviennent paroxystiques pour les parents. La parentalité est un point d’entrée pour faire profiter à l’ensemble des salariés, qu’ils soient parents ou non, de dispositifs comme le télétravail, les services de conciergerie, les chèques emploi services universels, etc.

E & C : Combien d’entreprises ont-elles signé la charte de la parentalité et à quoi s’engagent-elles ?

J. B. : La charte de la parentalité a été lancée en 2008. Aujourd’hui, 250 entreprises et associations l’ont signée : des très grandes, comme Carrefour, La Poste, Areva, L’Oréal, SFR ou Renault, comme des TPE. Au total, cela représente plus de 2 millions de salariés. En signant cette charte, les entreprises s’engagent à agir sur quatre champs d’action principaux : la facilitation du quotidien des salariés ; le soutien financier des salariés parents ; l’organisation du travail – éviter les réunions le soir, faciliter le travail à distance et le temps partiel familial – ; sensibiliser les DRH et les managers à cette thématique. Certaines signataires sont très avancées, d’autres démarrent, mais, au moins, toutes cherchent à progresser et savent qu’elles s’exposent. Ces entreprises sont observées par les syndicats, les journalistes, leurs collaborateurs eux-mêmes, qui peuvent leur demander des comptes. C’est d’ailleurs pour cette raison que les trois quarts des sociétés que nous sollicitons pour signer la charte préfèrent décliner, car elles ne sont pas encore prêtes à bouger sur ces sujets.

E & C : Avez-vous constaté un progrès des entreprises en matière d’aide à la parentalité ?

J. B. : L’Observatoire de la parentalité s’est doté d’un baromètre qui mesure l’évolution des actions d’aide à la parentalité auprès de deux sources : les salariés parents et les entreprises signataires. Entre le premier baromètre en 2009 et le deuxième en 2010, des progrès ont été enregistrés dans le domaine de l’aménagement des congés parentaux et de paternité. La participation aux frais de garde des enfants a gagné 6 points – un quart des salariés en bénéficient actuellement – et le travail à temps partiel facilité sans impact négatif concerne davantage de salariés. Nous avons aussi senti un frémissement sur les actions que nous poussons particulièrement, comme la sensibilisation des DRH et des managers. En 2009, seules 10 % des entreprises avaient mis en place des actions. Elles étaient 23 % en 2010. C’est un vrai cheval de bataille pour nous et cela nous a amené à publier le « Guide du manager de proximité ».

E & C : Quel est le rôle des DRH dans une meilleure prise en compte de la parentalité en entreprise ?

J. B. : Il est fondamental, car le DRH est le garant du long terme. Il doit intervenir en contrepoids des pressions à court terme qui pèsent sur les opérationnels. C’est lui également qui travaillera sur les process RH à mettre en place pour s’assurer qu’ils ne sont pas discriminants pour les parents, et en particulier les femmes : comités de veille et de détection des talents, processus de gestion de carrière… Enfin, le DRH est aussi souvent porteur des enjeux de responsabilité sociétale de l’entreprise et, à ce titre, doit jouer un rôle majeur de réflexion sur les programmes de mieux-vivre au travail et de sensibilisation des managers. La conciliation de la vie professionnelle et de la vie parentale s’intègre dans cette responsabilité sociale. On parle de croissance durable, de respect de l’environnement extérieur, qui est fondamental. Mais il faut préserver également l’environnement intérieur des individus, leur écosystème. Il s’agit là d’un enjeu de croissance humainement durable.

* Téléchargeable gratuitement sur <www.observatoire-parentalite.com>

PARCOURS

• Jérôme Ballarin préside l’Observatoire de la parentalité en entreprise, qu’il a créé en 2008, et dirige une société de conseil en stratégie ressources humaines.

• Diplômé de HEC et de Sciences Po, il a commencé sa carrière dans des cabinets de conseil (Ernst & Young, Accenture), avant d’intégrer la direction générale des ressources humaines de Danone.

• Il a publié Travailler mieux pour vivre plus. Comment concilier vie professionnelle et vie familiale ? (Nouveaux Débats Publics, 2010).

LECTURES

• Le Contrat de défiance, Michela Marzano, Grasset, 2010.

• Du Contrat social, Jean-Jacques Rousseau, (1re parution en 1762).

• La Philosophie comme manière de vivre, Pierre Hadot, Le Livre de Poche, 2003.

• Traité de l’efficacité, François Jullien, Le Livre de Poche, 2002.

Auteur

  • VIOLETTE QUEUNIET