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La traçabilité des risques cherche son modèle

Les pratiques | publié le : 01.03.2011 | VIOLETTE QUEUNIET

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La traçabilité des risques cherche son modèle

Crédit photo VIOLETTE QUEUNIET

Le gouvernement prépare un texte réglementaire sur l’obligation de traçabilité de l’exposition aux risques professionnels, inscrite dans la réforme des retraites. Une contrainte déjà imposée aux entreprises depuis 8 ans pour les risques chimiques. La démarche s’avère complexe, notamment pour les PME.

La traçabilité de l’exposition aux risques professionnels devient, depuis la loi portant réforme des retraites, une obligation pour les employeurs. Une fiche d’exposition à la pénibilité est prévue à l’article L. 4121-3-1 du Code du travail pour assurer cette traçabilité. L’employeur devra y consigner les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé, la période d’exposition, les mesures de prévention mises en œuvre pour faire disparaître ou réduire ces facteurs.

Pour l’instant, le modèle de cette fiche n’est pas encore fixé. La Direction générale du travail se concentre actuellement sur deux projets de décret, remis aux partenaires sociaux : l’un concerne les facteurs de pénibilité ; l’autre, l’obligation de négocier dans les entreprises de plus de 50 salariés. Décrets qui devraient paraître dans les prochaines semaines.

Répartition des tâches

Si évaluation des risques, prévention et traçabilité sont intimement liées, le choix de la DGT a pourtant été de séparer les sujets. Un groupe de travail, réunissant les principaux organismes préventeurs, planche ainsi exclusivement sur le thème de la prévention. Objectif : fournir aux entreprises concernées par l’obligation de négocier toutes les informations pratiques pour bâtir leurs accords et leurs plans d’action de prévention (informations mises en ligne en avril prochain sur le site www.travailler-mieux.gouv.fr).

Cette répartition des tâches est stratégique et permet d’avancer sur la prévention : « Mélanger prévention et traçabilité, c’est entrer dans la complication à cause des enjeux financiers. La traçabilité a en effet un lien très important avec la compensation, c’est-à-dire un départ à la retraite à 60 ans au lieu de 62 ans, financé par l’entreprise », explique Philippe Jandrot, directeur délégué aux applications à l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité) et membre du groupe de travail sur la prévention.

Impossible donc, aujourd’hui, de préjuger du contenu de cette fiche d’exposition à la pénibilité.

Un travail complexe d’inventaire et d’archivage de données

S’inspirera-t-elle de la fiche individuelle d’exposition aux produits chimiques et agents CMR (cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction), obligatoire depuis 2003 ? A l’Union des industries chimiques (UIC), le sujet est d’actualité : « Nous réfléchissons à la façon d’adapter la démarche de traçabilité et la fiche d’exposition aux CMR et agents chimiques dangereux (ACD) à tous les risques », indique Philippe Prudhon, directeur des affaires techniques de l’UIC. Des réunions de sensibilisation à ce thème sont prévues auprès des entreprises adhérentes dès le second trimestre 2011.

Une chose est sûre : la démarche de traçabilité est complexe. Sur les seuls risques chimiques, l’UIC a réalisé un guide technique de l’évaluation et de la prévention de 140 pages. Il présente toute la démarche à suivre : inventaire complet des substances, actions de prévention ou de substitution, formation des salariés, ”métrologie” (mesure) des risques par poste, fiche d’exposition, attestation d’exposition (au moment du départ). « La principale difficulté est de s’assurer de la traçabilité sur une très longue période. S’il faut prouver qu’il y a eu, ou non, exposition, il faut être capable de retrouver les données. Cela nécessite donc un très gros travail d’archivage de documents ou de données informatiques pour établir la preuve », explique Philippe Prudhon.

Les PME en difficulté

Résultat : si les grands groupes ont les moyens de remplir leurs obligations, il n’en va pas toujours de même dans les PME. C’est ce qu’a constaté Xáng Lê-Quang, ingénieur conseil régional adjoint à la Carsat Bourgogne Franche-Comté, coordinateur d’une expérimentation sur la traçabilité des expositions professionnelles aux CMR dans 5 régions*. « Sur 123 établissements de toutes tailles rassemblant 4500 salariés exposés, seuls 5 % ont mis en place une fiche individuelle d’exposition aux CMR, et 10 % ont rédigé leur document unique », indique-t-il.

L’objectif de l’expérimentation est précisément d’aider les entreprises à assumer leurs obligations en leur simplifiant la tâche. A partir de mai 2011, un site informatique sécurisé leur permettra, par exemple, de télédéclarer leur document unique.

Le site les guidera aussi pour remplir la fiche d’exposition, mais n’en gardera pas la trace : pour l’instant, l’expérimentation en est à l’étape collective.

L’approche individuelle fera l’objet d’une seconde étape. Destiné aujourd’hui aux risques CMR, le site a été conçu pour s’adapter aux « changements sociétaux et législatifs », assure Xáng Lê-Quang : « Nous pourrons l’enrichir avec d’autres facteurs de pénibilité comme les contraintes physiques ou celles liées au rythme de travail, notamment, et l’étendre ensuite au niveau national. »

* Démarche pilotée par la CATMP (Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles) en Alsace-Moselle, Bourgogne-Franche-Comté, Ile-de-France, Nord-Picardie et Normandie, lire Entreprise & Carrières n° 1014.

L’essentiel

1 Dès le 1er janvier 2012, les entreprises devront remplir des fiches d’exposition à la pénibilité, comme l’impose la réforme des retraites.

2 Les préventeurs se mobilisent pour accompagner les entreprises, car la démarche de traçabilité des expositions demeure complexe.

3 Depuis 2003, l’industrie chimique a développé une expertise en la matière, qui pourrait servir aux autres secteurs.

Auteur

  • VIOLETTE QUEUNIET