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La médiation bientôt mieux encadrée

L’actualité | publié le : 01.03.2011 | CÉLINE LACOURCELLE

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La médiation bientôt mieux encadrée

Crédit photo CÉLINE LACOURCELLE

Une directive européenne sur la médiation doit être transposée en droit français avant mai prochain, vraisemblablement par voie d’ordonnance. Certains médiateurs veulent proposer des contenus en matière de déontologie, de contrôle et de formation. D’autres réclament une réglementation a minima.

La France a jusqu’au 21 mai prochain pour transposer la directive européenne 2008/52/CE sur la médiation. Ce qui n’est pas sans interpeller la profession, tiraillée entre l’aspiration à une plus forte reconnaissance et le maintien de sa liberté d’action. D’où le débat engagé entre les partisans d’un cadre favorisant la professionnalisation du secteur, qui se sont réunis en forum ouvert les 24 et 25 février, et les tenants d’une réglementation a minima de ce processus de résolution des litiges fondé sur la recherche d’un accord des parties avec la participation d’un tiers.

La pratique reste assez confidentielle, y compris dans le cadre de l’entreprise. Quelques tentatives de règlement de conflits collectifs ont été médiatisées, à l’instar de la confrontation, en 2004, du Syndicat des travailleurs corses et de la collectivité territoriale de Corse.

Sortir de situations très délicates

D’ailleurs, le médiateur a parfois permis de sortir de situations très délicates, comme chez Osram en 2009, où l’intervention du consultant Bernard Brunhes a abouti au retrait d’un PSE. Le même a connu ensuite moins de succès chez Goodyear à Amiens. Globalement, peu de chiffres sont disponibles pour mesurer l’importance de cette pratique récente, si ce n’est celui admis, mais invérifiable, de 2 médiations sur 3 débouchant sur un accord.

Le Premier ministre a demandé au Conseil d’Etat d’étudier les conditions de la transposition de la directive européenne, qui prendra probablement la forme d’une ordonnance, plus souple et plus rapide qu’une loi. Ses conclusions, rendues en juillet dernier, fournissent le contenu possible du prochain texte. « Comme la directive, le Conseil d’Etat énonce les qualités attendues d’un médiateur : l’indépendance, la probité et la compétence », explique Michel Bénichou, avocat et président de la commission internationale de l’Association des médiateurs européens. S’ajoutent d’autres principes, cette fois envisagés de manière facultative, comme l’élaboration de codes volontaires de bonne conduite, des mécanismes de contrôle de la qualité et la promotion de la formation initiale et continue des médiateurs. À la profession éventuellement d’en préciser les contours.

Code de déontologie

« Notre code national de déontologie, adopté le 5 février 2009 et né du code européen de 2004, a-t-il besoin d’être modifié ? Combien d’heures de formation sont nécessaires pour qu’un médiateur soit légitimé ? Quels mécanismes de contrôle méritent d’être mis en place ? Voilà quelques-unes des questions auxquelles nous souhaitons répondre, explique Patricia Malbosc, de l’équipe de pilotage du forum et présidente de Planet’Médiation. Sur la base de ces échanges, nous allons dresser une série de propositions à l’intention du gouvernement, afin qu’il les intègre à l’ordonnance. »

Pour Me Bénichou, en revanche, le texte du Conseil d’Etat est suffisant. « En aucun cas, il ne fait référence aux diplômes, aux expériences nécessaires ou à la profession des intervenants », explique-t-il, convaincu que c’est bien aux associations de déterminer les différents périmètres, sans qu’il soit besoin de les intégrer à la transposition.

Une relative opacité

Le risque serait donc de « rendre formel et rigide un processus qui a besoin de souplesse pour être efficace », signale Antoine Adeline, avocat associé du cabinet Squire Sanders Hammonds, également médiateur. « En créant des obligations, c’est la procédure que l’on va transformer », renchérit Me Bénichou, qui attend une vraie coordination de la profession. Cela contribuera peut-être à plus de transparence.

Cette relative opacité « tient à la confidentialité intrinsèque et nécessaire à ce type de processus », explique Patricia Malbosc, qui annonce néanmoins le lancement d’une étude qualitative et quantitative sur la médiation en France. Reste, selon Antoine Adeline, que « la médiation ne fait pas bon ménage avec le corpus très normatif du droit du travail, auquel s’ajoute l’habitude culturelle du contentieux dans cette matière ». Il semble toutefois que de plus en plus de DRH font appel à un médiateur lors de plaintes internes pour harcèlement moral.

La médiation dans la loi et la réglementation françaises

→ Le sujet devient officiel avec la loi du 8 février 1995 suivie du décret du 22 juillet 1996. Introduits dans le Code de procédure civile, les articles 131-1 à 131-5 portent sur la médiation civile et commerciale en matière judiciaire.

→ La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 intègre, avec son article 171, la possibilité de déclencher une procédure de médiation en cas de harcèlement moral. Les intéressés pouvant se référer à une liste de médiateurs, disponible au niveau départemental.

→ Le décret du 3 mai 2002 (n° 2002-783) permet à un chef d’entreprise de plus de 100 salariés et/ou à un comité d’entreprise de décider de recourir à un médiateur lorsqu’ils ne parviennent pas à s’entendre sur le contenu d’un PSE.

→ La loi du 26 juillet 2005 (n° 2005-845) sur la sauvegarde des entreprises prévoit une procédure de conciliation, déclenchée par le président du tribunal de commerce. Si le conciliateur a pour mission de favoriser un accord amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers, destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise, il peut aussi avancer des propositions pour la sauvegarde de l’entreprise et le maintien de l’emploi.

La directive européenne 2008/52/CE

→ Pour développer des modes alternatifs à la résolution des conflits dans l’Union, les autorités européennes ont produit une directive, le 21 mai 2008, visant à l’utilisation des services de la médiation civile et commerciale. Consacré aux litiges transfrontaliers, le texte invite néanmoins les pays membres à l’appliquer aux processus de médiation interne. Il impose, outre la confidentialité, la formation des médiateurs et la mise en place de mécanismes efficaces de contrôle de la qualité.

→ Pour renforcer cette médiation, le Parlement européen suggère de rendre exécutoire un accord qui en est issu. Il conseille aussi de ne pas imposer des délais de prescription trop courts avant une action en justice, susceptibles de décourager les parties de recourir à cette procédure. Enfin, le texte encourage les Etats membres à mettre à la disposition du public des informations permettant un accès facilité à des médiateurs.

Auteur

  • CÉLINE LACOURCELLE