logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enjeux

Codes vestimentaires et liberté du salarié

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 01.03.2011 | VIVIANE STULZ

La Banque suisse UBS a beaucoup fait jaser lorsque la presse a divulgué son code vestimentaire à l’attention des collaborateurs en relation avec la clientèle. Si le vêtement est un « vecteur essentiel de la communication non verbale », d’après l’introduction du code, on peut s’amuser de nombre de ses prescriptions. Si certaines sont du bon sens (« Les tenues sales doivent être immédiatement lavées et ne plus être portées ; les taches pourraient s’incruster et devenir de plus en plus difficiles à enlever ») d’autres sont choquantes (« Evitez les plats à base d’ail et d’oignon et consommez avec parcimonie des chewing-gums à la chlorophylle. Ne laissez jamais vos ongles dépasser les 1,5 mm et arrondissez leurs angles au moyen d’une lime à ongles. Vous prolongerez la durée de vie de vos bas et de vos collants si vous avez les ongles des pieds bien coupés et limés »). De quoi l’employeur se mêle-t-il !

Ce code, encore en test, n’est destiné qu’aux salariés de Suisse. Mais pourrait-il être imposé aux salariés français d’UBS ? Nous sommes loin du temps où un règlement intérieur pouvait prévoir (milieu du XIXe siècle): « L’habillement doit être du type le plus sobre. Les employés de bureau ne se laisseront pas aller aux fantaisies des vêtements de couleurs vives. Ils ne porteront pas de bas non plus, à moins que ceux-ci ne soient convenablement raccommodés. Dans les bureaux, on ne portera ni manteau ni pardessus. Toutefois, lorsque le temps sera particulièrement rigoureux, les écharpes, cache-nez et calottes seront autorisés. »

Plus près de nous, avant “mai 1968”, les femmes n’étaient pas autorisées à travailler en pantalon.

Néanmoins, la loi, la convention collective ou le règlement intérieur peuvent imposer à certains salariés des tenues vestimentaires précises (art. L. 3121-3). Ainsi, le règlement intérieur doit comporter des consignes en matière de sécurité et l’employeur peut imposer le port des équipements nécessaires à la sécurité des salariés et doit s’assurer de leur utilisation par les salariés. Cependant, l’employeur ne peut imposer une tenue vestimentaire que dans la mesure où les prescriptions imposées sont « justifiées par la nature de la tâche à accomplir [ou] proportionnées au but recherché ». (art. L. 1121-1 et L. 1321-3).

La Cour de cassation limite régulièrement les ardeurs des employeurs en la matière. Ainsi, il ne peut interdire le jean et les baskets à un ambulancier ni lui imposer le port d’une cravate (ce n’est pas nécessaire à la préservation de l’image de l’entreprise). Il ne peut non plus interdire à un homme de porter une boucle d’oreille, à des serveurs de porter un piercing discret ni imposer un type de coiffure, proscrire la barbe ou les cheveux longs, à moins que le type de clientèle ne l’impose. La société Disney avait, en son temps, également été condamnée pour avoir apporté, à l’apparence des salariés, des restrictions injustifiées (barbe, vernis à ongle, etc.).

En revanche, il a été admis, par exemple, que l’employeur pouvait :

– imposer le port d’un uniforme (réceptionnistes) ou d’un T-shirt à la marque de l’entreprise (vendeurs en magasin) ;

– interdire le port d’un survêtement ou d’un bermuda (salarié en contact avec la clientèle) ou d’une tenue « suggestive » propre à susciter un trouble dans l’entreprise ;

– prohiber les chaussures de couleur voyante (convoyeur de fonds en contact avec les banquiers) ou imposer que la tenue du salarié soit propre (charcutier);

– interdire le port d’un signe religieux – notamment un foulard – (vendeuse dans un centre commercial ouvert à un large public aux convictions religieuses variées, vendeuse d’un magasin de mode d’articles féminins).

Ainsi, l’employeur ne peut s’immiscerdans les choix vestimentaires du salarié que de manière limitée. Rappelons que le licenciement fondé indûment sur l’apparence physique du salarié pourrait être discriminatoire (art. L. 1132-1). Le règlement intérieur cité plus haut concluait de manière claire : « Les propriétaires reconnaissent et acceptent la générosité des nouvelles lois du travail, mais attendent du personnel un accroissement considérable du rendement en compensation de ces conditions presque utopiques. »

Gageons que, si elle entend améliorerson image vis-à-vis de sa clientèle d’hommes d’affaires, l’UBS n’essaiera pas d’imposer sa charte en France, même limitée à des fonctions bien spécifiques en rapport avec la clientèle.

Viviane Stulz, avocat spécialiste en droit social, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.

Auteur

  • VIVIANE STULZ