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L’annuaire “intelligent”, socle de l’entreprise 2.0

Les pratiques | publié le : 22.02.2011 | HÉLÈNE TRUFFAUT

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L’annuaire “intelligent”, socle de l’entreprise 2.0

Crédit photo HÉLÈNE TRUFFAUT

L’annuaire d’entreprise va se muscler. Et surtout devenir plus habile. C’est ce qui ressort d’une étude qui voit dans cet outil la colonne vertébrale de tout système collaboratif. Les entreprises commencent à prendre conscience de l’importance stratégique de permettre aux salariés de se connaître les uns les autres.

« Pas une semaine, l’année dernière, sans annonces de lancement de nouveaux réseaux sociaux », rappelle le spécialiste du conseil en organisation et nouvelles technologies Useo. Pour ce cabinet, qui vient de présenter une étude sur l’offre du marché en la matière, 2011 sera pour beaucoup « le temps du déploiement et de la confrontation aux réalités de l’entreprise ». L’objectif de ces nouveaux outils ? Développer ce que l’on appelle une intelligence collective, caractéristique de l’entreprise 2.0.

Pascale Leclercq, directrice de la planification stratégique chez MMA, y voit « un modèle d’entreprise agile fonctionnant en réseaux humains et technologiques ». De quoi fluidifier les échanges et optimiser les activités opérationnelles par la mise en commun des connaissances. « C’est une question de compétitivité », déclare-t-elle.

Le salarié, principal acteur

L’idée de base n’est pas nouvelle. Après avoir cherché à compiler le savoir avec le knowledge management, les entreprises ont ensuite misé sur les communautés de pratique. « Mais l’acteur principal de la logique collaborative, c’est bien le salarié, c’est-à-dire un individu qui décide de partager », précise Nicolas Rolland, directeur de la prospective sociale du groupe Danone.

Pour recentrer le management du savoir sur les collaborateurs, encore faut-il que les entreprises aient une connaissance précise de leur capital humain. A quelques exceptions près, elles sont loin du compte, comme le confirme le cabinet de conseil spécialisé dans les projets NTIC Arctus, qui a monté un observatoire de l’intranet. « A l’heure des réseaux sociaux, nous constatons que peu de nos clients disposent d’un annuaire unique, avec photos et titres des postes. Leur simple mise à jour est encore un sujet compliqué pour les grandes organisations », estime Isabelle Reyre, directrice associée.

Montée en gamme de l’annuaire

L’Institut Boostzone (recherche, formation et conseil sur l’évolution du monde du travail) a mené une étude très fouillée sur les attentes et les interrogations des entreprises autour de cette problématique de l’annuaire*. « Jusqu’ici, ce n’était pas une priorité car on n’avait pas pris conscience de l’importance stratégique de se connaître les uns les autres », avance Dominique Turcq, président de l’institut. Mais l’enquête montre que l’annuaire va devoir sérieusement monter en gamme pour soutenir le travail collaboratif. Qualifié d’intelligent, l’outil contiendra « des données étendues sur les individus et, surtout, un moteur de recherche ». A quoi s’ajouteront quelques fonctions avancées : aide à la saisie, graphes sociaux (pour voir qui est en relation avec qui), filtrage des informations selon les utilisateurs… L’annuaire pourra même s’ouvrir à tout l’écosystème de l’entreprise. Au final, il servira à trouver des expertises à des fins de collaboration, ainsi qu’à mettre en valeur son propre savoir-faire. « Aujourd’hui, une expérience professionnelle au Japon, par exemple, ne figure que sur un CV oublié au fond d’un placard. Demain, ça se saura », illustre Dominique Turcq.

La DRH au premier plan

Si l’étude indique que, pour l’heure, l’annuaire intelligent reste un sous-projet dans le déploiement d’une stratégie plus large, elle montre aussi que la tâche est loin d’être simple. « C’est un travail de titan dont on sous-estime la complexité organisationnelle, technique, juridique… », assène le président. Et dans ce type de chantier, la direction des ressources humaines est au premier plan (lire p. 14).

Chez Danone, le projet de réseau social a été initié et porté par la DRH à partir d’un double questionnement : comment responsabiliser les salariés et faire en sorte qu’ils partagent leur savoir-faire ? Et comment améliorer la collaboration ? Le chantier a démarré en 2008 : « Nous avons d’abord défini les comportements que nous souhaitions développer dans le collaboratif. Puis nous avons mené une étude auprès des salariés, pour savoir comment ils utilisaient les réseaux sociaux et ce qu’ils attendaient de ce type d’outil dans l’entreprise », raconte Nicolas Rolland. De quoi lister des usages qui ont permis de définir les spécificités fonctionnelles de l’outil. Le site a finalement été déployé il y a plusieurs mois auprès des quelque 40 000 salariés du groupe dotés d’un poste de travail.

Chaque “fiche collaborateur” comprend des données issues du SIRH et une partie libre, où chacun peut compléter son ­profil et créer des communautés. « L’accompagnement du changement a été important. Nous avons insisté sur l’importance des savoir-faire, de l’expertise et des centres d’intérêt. Ces champs ont été assez bien remplis », considère le directeur de la prospective sociale.

Cibler les meilleurs destinataires

Autres fonctionnalités intéressantes : la page profil est alimentée par un flux d’informations sur les communautés d’appartenance. Et l’on peut aussi lancer une bouteille à la mer : un problème à résoudre qui cible les meilleurs destinataires grâce à des mots clés. « Nous allons maintenant stabiliser le système, ajoute Nicolas Rolland. Mais nous réfléchissons déjà à la possibilité de se connecter à partir de téléphones mobiles. »

Chez MMA, la réflexion sur l’annuaire “intelligent” a débuté le 11 janvier dernier, après trois ans de pratiques collaboratives. Fin 2007, le groupe d’assurance mutuelle a en effet fondé MM@cadémie, une université virtuelle (reposant sur la plate-forme Etheryl) visant à mener une réflexion prospective sur l’entreprise face aux différentes mutations – démographique, réglementaire, etc. – du secteur. Fonctionnant sur la base du volontariat, ce laboratoire d’idées ouvert aux salariés et partenaires distributeurs, « a d’abord été perçu comme le café du commerce », raconte Pascale Leclercq. Il affiche aujourd’hui 2 200 membres et 90 communautés structurées, ayant des objectifs et des livrables à fournir.

De multiples compétences à détecter

L’assureur souhaite aujourd’hui basculer complètement dans le collaboratif. Ce projet d’entreprise est déjà bien avancé. « Nous en avons identifié les grands piliers : règles de fonctionnement, mode de production, animation, formalisation des savoirs. La clé de voûte du système, c’est l’annuaire intelligent, assure Pascale Leclercq. Chaque individu pourra y déclarer ce qu’il fait aujourd’hui, ce qu’il a fait avant, ce qui le passionne, etc. » « Notre organisation rassemble des gens dotés de multiples capacités, mais que nous ne savons pas encore détecter », renchérit le DRH Gérald Tourrette.

Soutenue par ce dernier et par la directrice de la planification stratégique, la nouvelle communauté dédiée à l’annuaire compte 12 personnes, dont deux opérationnels RH, qui vont se donner le temps, via la plate-forme MM@cadémie, d’étudier le sujet sous tous ses angles, avant de faire leurs propositions. « Nous sommes également en train de monter une communauté qui se penchera sur l’évolution du management à l’heure du web 2.0 », complète Gérald Tourrette.

* “Les annuaires internes deviennent intelligents” : étude en deux parties (entretiens individuels et enquête en ligne) initiée en juin 2010 par l’Institut Boostzone auprès d’un panel restreint de grandes organisations.

L’essentiel

1 De plus en plus d’entreprises se lancent dans la mise en œuvre d’outils de réseau social. 2011 devrait même être une année charnière, selon les acteurs du secteur.

2 Après avoir misé sur les communautés pour développer le travail collaboratif, certaines entreprises veulent maintenant remettre l’individu au cœur du système.

3 Le problème est que peu d’organisations connaissent réellement leurs collaborateurs. D’où l’importance de l’annuaire d’entreprise, qui devrait devenir “intelligent”.

Que contiendra l’annuaire de demain ?

→ A l’horizon 2015, la part des annuaires dits “intelligents” passera de 21 % à 70 %, estiment les participants de l’enquête en ligne*. L’Institut Boostzone a répertorié leur contenu possible.

→ Aux données pivots en provenance des bases RH et/ou informatiques – qui établissent l’identité d’un collaborateur et ne peuvent être modifiées – et organisationnelles (fonction, division…) s’ajouteront des informations relatives à l’expertise et aux centres d’intérêt. Avec la possibilité d’importer certaines informations déposées sur des réseaux sociaux professionnels.

→ L’outil pourra comporter des données sociales : contacts professionnels, communautés d’appartenance. Et signaler les activités en ligne de l’intéressé (contributions internes et externes). Il sera également capable de faire des propositions (de contacts, de documents à consulter) et des alertes.

→ Il pourra contenir des données conversationnelles (micro-blogging, indicateur de disponibilité), et des informations plus ludiques, telles que des photos ou des avatars.

Les DRH sur le front

Pour Dominique Turcq, président de l’Institut Boostzone, les directions des ressources humai­nes doivent être « le camp de ba­se » d’un projet d’annuaire “intelligent”. Elles doivent d’abord définir le cahier des charges et présenter le projet aux instances représentatives du personnel.

Elles doivent aussi veiller à la cohérence et à la qualité des données injectées dans le système, sans négliger les contrain­tes liées aux traitements de données à caractère personnel. Les correspondants informatique et libertés (CIL) et la Cnil doivent être mis dans la boucle.

Les DRH ont enfin en charge l’accompagnement du changement, en lien avec les managers. « Il faut aussi réfléchir à la façon dont on va permettre aux individus de fonctionner dans une telle organisation, considère Dominique Turcq. Un système permettant aux collaborateurs d’entrer en contact les uns avec les autres a une incidence sur tout le management RH : comment rémunérer le temps passé avec les autres ? Comment intégrer la dimension collaborative dans l’évaluation ? Comment gérer la mobilité ?, etc. »

H. T.

Auteur

  • HÉLÈNE TRUFFAUT