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Enquête

Le prêt de main-d’œuvre, un outil de GPEC territoriale

Enquête | publié le : 22.02.2011 | SIDONIE BERTIN

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Le prêt de main-d’œuvre, un outil de GPEC territoriale

Crédit photo SIDONIE BERTIN

En Haute-Savoie, une expérimentation de prêt de main-d’œuvre a lieu jusqu’en juin 2011. Son point fort : un cadre juridique sécurisant pour les entreprises comme pour les salariés.

Changer d’entreprise sans perdre son poste : telle est l’expérience proposée aux salariés par le projet Model 74, en Haute-Savoie. Cette expérimentation de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif a été initiée en 2009 par la société lyonnaise Sirac, spécialisée dans les nouvelles formes d’emploi comme le temps partagé. Montée en partenariat avec plusieurs structures locales*, elle est soutenue financièrement par la région Rhône-Alpes et la DDTEFP de Haute-Savoie.

Toute entreprise du département, en difficulté ou non, peut adhérer à Model 74, et n’importe lequel de ses salariés peut demander à travailler temporairement chez un autre adhérent. Les chargés de mission de Model 74 font coïncider les candidatures et les offres de poste. Par la convention tripartite liant les deux entreprises et le salarié, celui-ci est toujours payé par son employeur, mais son coût salarial est pris en charge par la société qui l’accueille. Les deux entreprises versent chacune 10 % du coût du salaire chargé à Model 74.

Pas de débauchage entre sociétés

La convention encadre les règles du jeu : pas de débauchage de salariés entre sociétés, information des IRP, volontariat. Dans le cadre d’un accompagnement individuel de 15 heures, l’un des organismes partenaires s’assure de ce volontariat, puis aide la personne à construire son projet professionnel permettant de trouver un poste en adéquation. Le suivi perdure pendant le détachement. Pour les thermes de Thonon-les-Bains, fermés depuis le 31 octobre pour neuf mois de travaux, Model 74 a permis de trouver une solution pour 7 des 23 salariés n’ayant pu être reclassés dans le groupe gestionnaire, Valvital.

Bouffée d’air en période de crise

Pour ST Dupont (fabrication d’articles de luxe) et ses salariés, l’expérience a été une véritable bouffée d’air en période de crise. « Etant au chômage partiel, j’ai vu l’occasion d’essayer autre chose », témoigne Thibault Ferry, responsable des travaux neufs. Sa formation initiale lui a permis d’intégrer – pour trois conventions de trois mois – un poste différent de celui qu’il occupe habituellement au service méthodes et industrialisation d’Adixen-Alcatel.

« Quand nous avons adhéré en 2009, explique Odile Gisclard, DRH de Clyde Union (fabrication de pompes), nous avions des besoins de personnel sur des missions ponctuelles et, en pleine crise, nous voulions être solidaires au niveau local. » Elle accueille actuellement un opérateur et un technicien méthodes. La DRH se dit prête à détacher des salariés qui en feraient la demande, « si leur projet est bien défini en amont et si nous avons une évolution à leur proposer à leur retour. Nous ne voulons pas perdre nos salariés ! Le but est qu’ils reviennent motivés et riches d’une autre expérience ». Outil de GPEC, Model 74 a aussi ses contraintes, prévient-elle : « La difficulté tient dans le “recrutement” fait sans les outils habituels, comme les dossiers de candidature. L’accueil doit aussi être adapté, car ils n’ont pas l’habitude d’intégrer d’autres sociétés, contrairement aux intérimaires. »

Les syndicats, qui font partie du comité de pilotage, gardent un œil critique : « Il y a plus d’intérêt à y participer pour un cadre que pour un opérateur, parce que le travail de ce dernier change peu d’une structure à l’autre, observe Didier Mansot, secrétaire départemental de la CFDT. Par ailleurs, l’employeur garde la maîtrise et peut refuser un détachement. Enfin, j’ai parfois des doutes sur la sincérité du gré à gré : quelles sortes de pressions subissent les salariés dits “volontaires”? »

Autofinancement

Effectif depuis juin 2010, Model 74 – 20 entreprises adhérentes – a bénéficié à 35 salariés. L’objectif fixé par l’Etat est de 60 d’ici à la fin de l’expérimentation, en juin prochain. Un bilan complet sera dressé, au terme duquel Model 74 sera ou non reconduit. La condition principale étant que le système s’autofinance.

* Le Centre interinstitutionnel de bilans de compétences, le Centre d’information féminin et familial et la Maison de l’information sur la formation et l’emploi de Haute-Savoie.

Auteur

  • SIDONIE BERTIN