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Les pratiques

EspagnePacte pour l’emploi : Nissan Barcelone dans la roue de Fiat

Les pratiques | publié le : 15.02.2011 | VALÉRIE DEMON

Après Fiat en Italie, Nissan en Espagne : le constructeur japonais n’a assuré la pérennité de son usine catalane qu’à la condition de limiter les salaires, de flexibiliser et d’augmenter le temps de travail.

L’usine de Nissan à Barcelone devrait voir son avenir assuré pour dix ans au moins. La direction de l’entreprise japonaise a finalement décidé de confier au site catalan la production européenne du nouveau modèle de fourgonnette pick-up en échange de davantage de flexibilité, de productivité et de modération salariale, évolutions inscrites dans la convention collective. A cette condition, au moins 60 000 unités devraient être produites à partir de 2014. Les négociations ont été difficiles. La direction a joué la rupture dès le départ en annonçant d’abord que l’usine n’était pas assez productive pour fabriquer ce nouveau modèle.

Acceptation par référendum

Ce n’est qu’en décembre, après un référendum portant sur la flexibilisation des conditions de travail et ratifié par 70 % des salariés, que la direction de Nissan est revenue sur sa décision initiale. « C’était peut-être un chantage de la part de Nissan mais nous avons aujourd’hui un avenir, justifie Andrés Mateos, secrétaire général de l’UGT Nissan, l’un des syndicats ayant accepté les nouvelles conditions. Il a fallu adapter nos revendications, c’est vrai ; mais sinon, c’était la fin de l’usine. »

Indemnités de congés maladie modifiées

Les mesures portent d’abord sur la modération salariale : 0 % d’augmentation en 2012 ; 0,5 % en 2013 et 1,5 % en 2014, soit beaucoup moins que la progression de l’indice des prix. Le système de compléments payés par l’entreprise pour les congés maladie est aussi modifié. Il devient plus avantageux pour les salariés lors de leur troisième ou quatrième congé maladie, mais impose des conditions moins favorables que la convention précédente pour les arrêts courts : pour la première semaine de congé maladie, le complément baisse ainsi de 10 %.

Le reste des mesures porte sur la flexibilité du temps de travail. Si besoin est, l’entreprise pourra augmenter le temps de travail de 107 heures par année. Elle disposera aussi d’une réserve supplémentaire de 32 heures, pouvant demander à chaque salarié de travailler une heure de plus par jour. « Mais je doute que Nissan utilise tout ce temps supplémentaire », estime Andrés Mateos.

Pourtant, l’usine avait déjà fait des sacrifices. Dès 2009, la crise touchait l’industrie automobile avec une sévère chute de l’activité dans l’usine catalane de Nissan, passant de 185 000 à 55 000 unités produites par an. L’entreprise avait négocié avec les syndicats le départ de 1 600 salariés (800 licenciements, le reste étant des départs en retraite ou anticipés). Les syndicats s’étaient alors aussi engagés sur l’amélioration de la productivité du site. Le tout en échange de la promesse d’attribution d’un nouveau modèle pour 2010. « Nous avons exigé aussi que les effectifs de l’usine, actuellement de plus de 3 100 personnes, ne descendent jamais en dessous du seuil des 2 900 », complète Andrés Mateos.

Des syndicats divisés

Mais, alors que le nouveau modèle entre en production, les syndicats se divisent. Commissions ouvrières (CCOO) estime que les nouveaux sacrifices sont obtenus par un chantage. « Ce n’est pas négocier, c’est imposer : les entreprises automobiles utilisent toutes la même stratégie en jouant de la peur du chômage, assure Javier Pacheco, secrétaire général de la Fédération industrielle de CCOO en Catalogne. C’est une politique risquée pour toute la société. Diminuer le temps de travail nous a pris des années, et maintenant, on l’augmente. Je crois que la solution n’est pas de faire peser la diminution du coût du travail sur les salariés, ni de précariser davantage, mais d’innover. »

Auteur

  • VALÉRIE DEMON