Dans le cadre de sa charte pour le bien-être des salariés, la filiale du groupe japonais leur demande, tous les trois mois, de privilégier les contacts directs pour recréer du lien.
Canon France a inauguré, le 3 décembre dernier, une journée sans mails pour ses 1 700 collaborateurs. Un engagement pris dans sa charte “Travailler mieux”, actée en mai dernier après un audit sur les risques psychosociaux réalisé deux ans plus tôt. Les rapports remis à la direction par les experts spécialisés faisaient alors état d’organisations du travail potentiellement génératrices de stress. « Rien de grave, précise Philippe Le Disert, le DRH, mais de quoi nous alerter. »
Un groupe de pilotage a été constitué, comptant un représentant de la direction, un autre de la DRH et les secrétaires des 9 CHSCT locaux. Certains parmi ces derniers s’étaient retrouvés en 2006 devant les juges, après que la direction avait contesté la prise en compte d’expertises sur les conditions de travail dans les établissements. Finalement, les tribunaux avaient débouté Canon de ses demandes et confirmé le mandatement d’experts.
Douze mois plus tard, la charte a été rédigée, listant 19 mesures, dont une permet, tous les trimestres, de vivre une journée sans mails, identifiés comme facteur de stress. « Il est regrettable de constater que les discussions dans des réunions ou des entretiens ont lieu aujourd’hui par écran interposé, évoque Philippe Le Disert. Certes, ces échanges gagnent en synthèse, mais rognent le temps social. De plus, dans une sorte de déresponsabilisation, chacun multiplie les destinataires de ses courriels, qui se retrouvent dès lors assaillis d’informations inutiles. »
Le jour J, les salariés étaient donc invités à bien réfléchir avant d’envoyer leurs messages électroniques. « Notre volonté est de sensibiliser et non d’interdire », précise le DRH.
Des affiches visibles un peu partout résumaient les 10 règles du bon usage de l’e-mail (contact téléphonique privilégié, ciblage des destinataires, e-mails avec un objet identifiable, activation de la fonction absence lors de congés…).
Pour certains syndicats, l’opération n’est rien d’autre qu’un gadget tape-à-l’œil. « On demande aux salariés d’attendre le lendemain pour envoyer leurs mails. La charge de travail est inchangée, s’indigne le cégétiste Mohand Chekal, secrétaire du CCE et membre d’un des CHSCT. La direction réclame toujours plus de rentabilité et de productivité. Je ne vois pas comment, dans un tel contexte, on peut s’inscrire dans une logique de prévention et de neutralisation des risques psychosociaux. »
Le soir du 3 décembre, la direction a constaté une baisse de 20 % de courriels, soit 6 000 en moins dans les messageries électroniques de l’entreprise. « Pour la journée du 4 février, nous avons obtenu une baisse de 23 % », signale Philipe Le Disert, qui réfléchit à d’autres consignes en matière de consommation des nouvelles technologies : éteindre son smartphone après 20 heures, interdire les mails tardifs réclamant une tâche à faire pour le lendemain matin…
• Activités : solutions de gestion de l’image et du document.
• Effectif : 1 700 salariés.
• Chiffre d’affaires : 750 millions d’euros.
