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Enquête

L’emploi reste en marge

Enquête | publié le : 08.02.2011 | C. F.

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L’emploi reste en marge

Crédit photo C. F.

Les premiers bilans montrent que les entreprises se sont peu engagées. Les domaines d’action essentiels, emploi et conditions de travail, ont été peu traités. Et les dispositifs proposés manquent souvent de consistance.

Le bilan complet du contenu de tous les accords et plans d’action seniors est encore en attente. Le réseau des agences régionales pour les conditions de travail (Aract) et les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) travaillent sur des bilans régionaux. L’étude la plus vaste est celle que vient d’achever l’Aract Ile-de-France auprès de 343 entreprises. Le déficit de négociation paritaire y est confirmé : seuls 38 % des textes ont été négociés, le reste consistant en des plans d’actions. Peu d’accords et de plans (9 %) présentent un état des lieux complet, avec pyramide des âges détaillée et projection sur trois ans. Un déficit d’analyse qui ne permet pas de valider la pertinence des domaines d’action choisis.

Recrutements oubliés

L’étude confirme aussi l’absence d’ambition en matière de recrutements. Seuls 7 % des textes en font un objectif, l’immense majorité des entreprises n’évoquant que celui de conserver leurs seniors dans l’emploi. L’amélioration des conditions de travail, essentielle pour éviter l’usure des salariés, a été retenue par moins de la moitié des textes étudiés. Sans surprise, les accords négociés sont plus nombreux à se saisir de ce sujet central (52 %) que les plans d’action (36 %). Et la mesure la plus répandue consiste à mettre en place des visites médicales annuelles supplémentaires après 55 ans ! A l’exception de métiers très pénibles, cette disposition apparaît comme hors sujet dans la plupart des cas. Plus pertinente, l’adaptation du poste de travail ne concerne que 14 % des textes, la réduction ou l’aménagement des horaires 9 %, et le recours aux spécialistes de la prévention 8 %.

Parmi les six domaines d’action proposés par l’Etat, les entreprises ont massivement choisi les moins contraignants : le développement des compétences, l’anticipation des carrières et la transmission des savoirs et du tutorat.

L’anticipation des carrières se résume principalement à organiser l’entretien de seconde partie de carrière… obligatoire depuis novembre 2009. Et à peine un quart des textes proposent d’aménager le temps de travail en fin de carrière, mesure qui permet pourtant de mieux gérer la fatigue professionnelle ou de concilier travail et vie familiale.

Revoir la copie

Médiocre bilan, dans lequel l’Aract Ile-de-France déplore aussi que les DRH « portent souvent seules le projet seniors », ne faisant peu ou pas appel aux partenaires extérieurs (médecins du travail, ergonomes, Opca, etc.). Plus globalement, l’organisme s’étonne « du manque d’actions sur l’organisation collective du travail ».

Face à de telles carences, un certain nombre d’experts invitent les entreprises à revoir leur copie. « Si elles veulent maintenir les plus de 50 ans dans l’emploi, elles seront obligées de traiter de l’amélioration des conditions de travail et de la santé de leurs salariés, assène Fabienne Caser, chargée de mission au département compétences, travail et emploi de l’Anact. Il faut faire un diagnostic précis des situations de pénibilité, physique mais aussi psychologique. » « Il faut aussi associer plus étroitement les seniors aux processus de modification de l’organisation du travail », ajoute Tiphaine Garat, ingénieure à l’Institut du travail de Strasbourg.

Qualité de la formation

D’autres mesures présentes dans les accords audacieux peuvent avantageusement compléter cet arsenal : ergonomie des postes, temps de repos, télétravail, aménagement du temps de travail, temps partiels aidés en fin de carrière, réorientation sur des postes de jour pour ceux qui travaillent de nuit…

Pour pouvoir quitter un métier devenu trop pénible, la qualité de la formation est également primordiale. Pour Eric Babin, directeur de mission chez Vigeo, « il faut privilégier des formations qualifiantes de longue durée et envisager des contrats de professionnalisation après 50 ans ». Face à des salariés peu diplômés, réticents à se former et craignant de se retrouver en échec, « la validation des acquis de l’expérience (VAE) est pertinente car elle les valorise. Ils prennent conscience de l’importance de leurs compétences », constate-t-il.

L’entretien de deuxième partie de carrière, très largement choisi, est souvent détourné de son objet pour préparer la transition vers la retraite plutôt que pour assurer une poursuite de carrière satisfaisante. Autre mesure qui peut tourner au gadget : le tutorat qui, « s’il n’est pas accompagné d’une formation adéquate, d’une reconnaissance en termes de salaire ou de temps de travail libéré, ne sert pas à grand-chose », commente Stéphane Lardy, du syndicat FO. Eric Babin propose de « reconnaître cette qualité professionnelle de tuteur-formateur, et de la valider par un titre ou un certificat universitaire ou au minimum la reconnaître dans le référentiel métier ».

Liaison avec les accords pénibilité

Enfin, pour être efficace, la question des seniors doit être traitée de façon transversale par tous les accords d’entreprise. « Le pire serait qu’on empile des dispositifs, comme un mille-feuille, sans les lier entre eux, analyse Tiphaine Garat. Il faudra particulièrement travailler en liaison avec les accords pénibilité qui doivent être conclus prochainement. » La DGT en est consciente et devrait proposer des consignes dans ce sens.

Auteur

  • C. F.