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La rupture conventionnelle, une préretraite bis ?

Enquête | publié le : 08.02.2011 | CÉLINE LACOURCELLE

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La rupture conventionnelle, une préretraite bis ?

Crédit photo CÉLINE LACOURCELLE

Certains chiffres laissent à penser que les entreprises utilisent les séparations à l’amiable pour se débarrasser de leurs seniors. Une réalité à la marge, selon l’administration.

Le 12 janvier, le directeur général de Pôle emploi, Christian Charpy, a lancé un pavé dans la mare. Devant les journalistes de la presse sociale, il a annoncé que les ruptures à l’amiable, nées de la loi du 25 juin 2008, concernaient un peu plus d’un senior sur cinq. Il se faisait ainsi l’écho d’autres données circulant depuis quelques mois, comme celles de l’Unédic. Dans une étude conduite au mois d’août, l’assurance chômage chiffrait à 17 % la part des ruptures conventionnelles comme motif d’entrée des 55-60 ans et à 12,9 % celle des 60 ans et plus.

Un problème relevé par l’OCDE en 2009

La rupture conventionnelle serait-elle consommée en lieu et place de la défunte préretraite ? Pour certains, il n’y a aucun doute. L’OCDE, dans son “Etude économique de la France 2009 : avancée des réformes du marché du travail et dans les autres domaines”, publiée en avril 2009, prévenait déjà qu’il fallait éviter « que les employeurs ne puissent abuser du nouveau dispositif de rupture conventionnelle pour se séparer des seniors à bon compte et aux frais de l’assurance chômage ». Certains n’avaient d’ailleurs pas tardé à lui donner raison.

Nombre de procédures anormal

Ainsi, IBM s’était fait épingler par l’administration, jugeant anormal le nombre de procédures signées à Paris. « Soixante-deux sur le seul 4e trimestre 2009, pour un âge moyen de 52 ans, précise Gérard Chameau, délégué syndical central CFDT du constructeur informatique. On suggérait à certains d’attendre tranquillement la retraite à l’aide des allocations et du chèque versé par l’entreprise. Une pratique disparue, qui pourrait ressurgir si, au lendemain d’une fusion, des salariés âgés se retrouvaient en doublon. »

A Capgemini, le dispositif est utilisé pour les profils qui ne sont plus en adéquation avec les besoins stratégiques de l’entreprise : « Dans le groupe, et à Sogeti notamment, les personnes pouvant bénéficier d’une rupture conventionnelle sont principalement celles dont le “taux d’activité” est faible, surtout après 45 ans. Dans mon entité outsourcing, les demandes sont en revanche systématiquement refusées par la direction, si le salarié n’a pas un projet en dehors de l’entreprise. Précisons que nous venons de vivre deux PSE », signale Marie-Christine Bruyas, de la CFE-CGC.

Marie-Françoise Leflon, secrétaire nationale secteur emploi de la CFE-CGC, l’admet : « C’est tentant pour des entreprises désireuses de faire partir leurs seniors à qui elles n’ont plus de postes à proposer, et pour des salariés âgés qui se sentent dévalorisés et inadaptés. »

Stéphane Lardy, secrétaire confédéral FO, n’est pas non plus choqué « que des plus de 55 ans bénéficient du dispositif et puissent ainsi avoir droit au chômage, mais il faut sanctionner les entreprises qui se servent du dispositif en lieu et place d’un plan social ». Pour Eric Aubin de la CGT, il faudra « donner aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi les moyens de mieux contrôler ». Un bilan en 2011 « sera nécessaire pour savoir s’il est utile de borner le dispositif », ajoute Marie-Françoise Leflon. Pour l’heure, la Direction générale du travail a transmis le 23 mars 2010 une circulaire à ses services sur le problème. Jean-Denis Combrexelle, son directeur, préfère rester prudent : « Si l’on a vu début 2010 une surreprésentation des 55 ans et plus, ce n’est plus vrai. Je pense que la rupture est utilisée ce pourquoi elle a été créée. S’il y a des abus, inévitables, nous ne pouvons toutefois pas parler de dérives. »

Evolution à surveiller

Même conclusion du côté du Centre d’analyse stratégique, qui a publié en octobre dernier une note sur le sujet : « Les 55 ans et plus représentent 10,3 % des ruptures conventionnelles, contre 8,6 % pour l’ensemble des ruptures de CDI », observe Hugues de Balathier, chef du département travail-emploi du CAS, considérant que « cet écart est trop faible pour conclure que le dispositif a ouvert une nouvelle voie de départ anticipé des salariés âgés. Reste à voir l’évolution de ces chiffres avec la réforme des retraites, qui peut modifier positivement les comportements des employeurs et des salariés âgés ».

Jean-Denis Combrexelle promet un bilan pour ce premier trimestre. Il pourra être comparé à l’étude de l’assurance chômage sur le sujet attendue dans les prochains mois.

Auteur

  • CÉLINE LACOURCELLE