Philippe Askenazy, Seuil, 310 pages, 20 euros.
Selon les tenants de la doxa néolibérale, la panne de croissance et le chômage hexagonaux depuis le tournant des années 1980 seraient liés aux travers de la société française : secteur public trop important, revendications sociales permanentes, législation sociale encombrante, résistance au changement… Bref à un mélange d’arrogance revendicative et de culture “has been”.
Pour Philippe Askenazy, économiste, l’explication est tout autre. Ce sont les politiques menées par l’Etat qu’il faut incriminer au premier chef. La plupart des gouvernements, obsédés par le retour rapide au plein emploi, ont progressivement commis des erreurs qui se sont additionnées, élevant à mesure les obstacles à franchir. Le plus frappant dans ces fourvoiements est la stigmatisation successive de certaines catégories de salariés pour expliquer les difficultés du pays : immigrés trop nombreux, jeunes mal formés, fonctionnaires arc-boutés sur leurs privilèges, seniors insuffisamment productifs… Tout est bon pour mettre en cause les travailleurs plutôt que les politiques elles-mêmes.
Plutôt que de se complaire dans la déploration des blocages ou de chercher des boucs émissaires, il n’est que temps selon l’auteur d’arrêter de se référer aux modèles tout faits hors des frontières, et d’analyser les erreurs passées afin d’imaginer les outils pour retrouver une ambition via une meilleure compréhension du capitalisme d’aujourd’hui.
Philippe Askenazy est directeur de recherche au CNRS, professeur à l’Ecole d’économie de Paris.