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Les pratiques

Un plan “Mieux-être au travail” pour l’ONF après des coupes claires

Les pratiques | Retour sur… | publié le : 18.01.2011 | MARIE-MADELEINE SÈVE

Dans cet l’établissement public marqué par des réductions d’effectifs et une vague de suicides, syndicats et direction se sont accordés le 11 janvier sur le principe d’actions prioritaires à choisir d’ici à la fin 2011. Bilan des dispositifs déjà en place.

Vingt suicides depuis cinq ans au sein de l’Office national des forêts (ONF), dont quinze de gardes forestiers. Un décompte macabre sur lequel peinent à s’accorder la direction et les syndicats, qui se sont réunis le 11 janvier pour débattre au sein du CCHS (comité central d’hygiène et de sécurité) d’un plan national “Mieux-être au travail”. Ce texte est issu de diagnostics déjà posés et des travaux d’un groupe pluridisciplinaire dédié au sujet depuis 2009. Cinq chapitres ont été retenus : la priorité à l’humain, des valeurs partagées, concilier managements participatif et par objectifs, mobiliser les acteurs santé et sécurité, s’organiser mieux.

Le directeur général, Pascal Viné, nommé en novembre, présidait la séance et a décidé de confier à ce même groupe de travail la tâche de choisir dans ce plan 5 à 10 actions concrètes à mener en priorité en 2011. Seul le dernier chapitre prendra la forme d’un audit socio-organisationnel mené par un cabinet extérieur sur le terrain pour trouver des solutions adaptées. « Nous donnons sa chance au nouveau DG, souligne Philippe Chauvin, représentant du Snupfen-Solidaires au CCHS. Mais nous restons vigilants. Tant qu’on supprimera des emplois et qu’on gardera le même mode de management, on n’éradiquera pas la souffrance. »

Un climat fortement détérioré

Car depuis les réformes successives de l’ONF en 2002 et en 2008, le climat s’est fortement détérioré : « En dix ans, les effectifs ont fondu de 20 %, reconnaît la DRH Anne-Marie Boulengier. Et les structures territoriales ont été réduites de plus de moitié. » Aujourd’hui, l’ONF compte près de 10 000 salariés, dont 3 000 agents patrimoniaux (ex-gardes forestiers), 1 300 administratifs et 1 500 techniciens et ingénieurs, tous fonctionnaires, auxquels s’ajoutent 3 400 ouvriers forestiers (bûcherons, sylviculteurs, etc.) sous contrat privé. Tous vivent mal les changements permanents.

Les syndicats dénoncent pêle-mêle une dérive commerciale, le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, les primes d’objectifs, l’accélération des cadences de coupe de bois, l’explosion du collectif de travail, une organisation matricielle illisible… Bref, l’introduction de méthodes venues du privé est mal digérée dans un organisme public dont la mission est de protéger les forêts domaniales et communales. « Les gens ne savent plus où ils en sont, et à quoi ils servent. On leur demande de travailler plus et autrement », souligne Gérard Frigant, secrétaire général du Snaf-Unsa Forêts. L’audit social de 2005 exprimait déjà ce malaise. Les questionnaires proposés lors des visites médicales en 2009 le confirment : 69 % des agents patrimoniaux, 68 % des gestionnaires administratifs, 76 % des responsables d’unité territoriale, entre autres, ressentent un profond stress.

Face à ces constats, l’ONF a réagi lentement. Depuis six ans, elle a instauré des dispositifs qui n’ont pas franchement fait leurs preuves. Certes, l’établissement part de loin. C’est la DRH, arrivée en 2003, qui a créé un département dédié aux affaires sanitaires et sociales dès 2004. Mais celui-ci, rivé sur la prévention des accidents physiques, a eu du mal à empoigner le sujet des risques psychosociaux.

Lancées en 2008 à la suite de deux suicides dans les Landes, les cellules sociales territoriales affichent un bilan mitigé. L’idée était de réunir des profils divers - RRH, manager, élus du personnel, médecin, assistante sociale -, afin de croiser les regards pour aider les personnes fragilisées à se reprendre, quitte à leur offrir des mobilités. La formule ne prend guère. Elle s’est retrouvée dénaturée, perdant son lien avec les CHS locaux. « Les gens n’appellent pas. Ces cellules sont devenues pléthoriques, avec trop de hiérarchiques dedans. Et elles ont tendance à culpabiliser », déplore Pascal Leclercq, secrétaire général de la CGT-Forêt. En outre, seules 30 % des directions territoriales en sont pourvues. Toutefois chacun peut solliciter des rendez-vous avec un psychologue extérieur en cas d’événement traumatique. Depuis 2009, l’ONF offre aussi un accompagnement et une assistance juridique en cas de harcèlement ou d’agression.

Sensibilisation

Autre mesure : la sensibilisation des managers aux risques psychosociaux depuis 2010. Une formation sur deux jours a déjà touché la moitié des 600 intéressés. Enfin, l’an dernier, la DRH a élaboré un guide de bonne conduite en cas d’accident grave ou mortel. « On indique où et comment intervenir, donner l’alerte, démarrer les investigations, écouter et canaliser les émotions sans maladresses. On travaille aussi sur une méthodologie d’enquête après suicide » souligne Anne-Marie-Boulengier. Et la ronde des consultations sur le plan “bien-être” n’est pas finie.

Auteur

  • MARIE-MADELEINE SÈVE