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Enquête

« L’alternance joue avant tout sur la file d’attente »

Enquête | L’entretien avec | publié le : 18.01.2011 | E. S.

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« L’alternance joue avant tout sur la file d’attente »

Crédit photo E. S.

E & C : Le développement de l’alternance peut-il favoriser l’emploi des jeunes ?

S. I. : Parmi les dispositifs visant à favoriser la transition entre la formation et l’emploi, l’alternance est le plus utilisé : elle correspond à deux tiers de l’ensemble des contrats aidés à destination des 16-25 ans. Mais il faut toutefois nuancer ses effets sur l’emploi des jeunes, en distinguant deux catégories d’alternants.

En ce qui concerne les jeunes diplômés du supérieur, les études montrent que la formation en alternance entraîne, à terme, des avantages en matière de salaire, ainsi qu’un accès à l’emploi a priori plus important que pour les jeunes ayant suivi un cursus classique. Mais ce constat est biaisé au départ, car les apprentis font l’objet d’une sélection plus forte que les jeunes qui intègrent une formation supérieure sans alternance.

Ils présentent donc, dès le départ, des caractéristiques individuelles qui les mèneront plus facilement à l’emploi durable ; en la matière, l’alternance n’apporte au final pas d’avantage significatif pour ces catégories.

Pour les jeunes les moins diplômés, l’alternance n’a cette fois pas d’effet positif sur le niveau de salaire, mais apporte de réels avantages pour l’accès à l’emploi, si on les compare avec les jeunes qui sortent de CAP ou de BEP sans expérience. Autrement dit, l’alternance joue sur la file d’attente, a fortiori dans un contexte économique dégradé et de forte concurrence sur le marché du travail, mais elle ne permet pas de faire baisser globalement le chômage des jeunes.

E & C : L’alternance peut-elle encore se développer pour atteindre les objectifs que se fixe le gouvernement ?

S. I. : Le nombre des alternants s’est accru ces dernières années : on comptait 290 000 apprentis en 1995, et 400 000 aujourd’hui. Cela est dû notamment au fort développement de l’apprentissage dans les formations supérieures, lié à la réforme du cycle LMD – licence, master, doctorat – et à la professionnalisation des fins de cursus. Les établissements du supérieur y ont vu aussi l’opportunité d’accéder à des ressources financières supplémentaires dans un contexte budgétaire contraint. Mais il est vrai que ce seuil a été atteint en 2003 et qu’il n’a pas évolué depuis, alors que le plan de cohésion sociale de 2005 avait fixé un objectif de 500 000 apprentis en 2009. Il sera donc difficile d’atteindre un effectif de 800 000, voire d’un million d’alternants.

E & C : Cela dépendra également de la mobilisation des entreprises : quelles sont leurs motivations pour recourir à l’alternance ?

S. I. : Il n’existe malheureusement pas de données qui permettent de répondre précisément à cette question. Accueillent-elles des jeunes en alternance pour participer à leur formation avant de les recruter, pour compenser une pénurie de main-d’œuvre qualifiée ou pour baisser le coût du travail de jeunes diplômés ? Si c’est l’aspect bas coût qui les motive en priorité, ce que certains auteurs affirment, alors les stages – beaucoup plus répandus que l’alternance dans l’enseignement supérieur, puisque 75 % des diplômés ont suivi au moins un stage – resteront toujours plus intéressants pour les entreprises.

Auteur

  • E. S.