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La Cour de cassation délimite le pouvoir disciplinaire de l’employeur

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 18.01.2011 | BRIGITTE PELLETIER

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La Cour de cassation délimite le pouvoir disciplinaire de l’employeur

Crédit photo BRIGITTE PELLETIER

La Cour de cassation, par un arrêt en date du 26 octobre 2010 soumis à une très large publicité, vient d’apporter une réponse clarifiant nettement le débat encore ouvert sur l’encadrement du pouvoir disciplinaire de l’employeur. Plus précisément, la Cour interdit à l’employeur d’appliquer des sanctions qui n’auraient pas été mentionnées au règlement intérieur.

Parmi les réformes votées en 1982, celle relative au pouvoir disciplinaire de l’employeur fut sans doute la plus symbolique, le Parlement attendant la nuit du 4 août 1982 pour procéder à son adoption ! Obligatoire dans les entreprises de 20 salariés et plus, le règlement intérieur a vu son objet limité et son élaboration encadrée. Adopté unilatéralement par l’employeur, après consultation des représentants du personnel et contrôle de l’inspection du travail, le règlement intérieur comporte un objet précisément défini à l’article L. 1321-1 du Code du travail. Ainsi, le règlement comporte « exclusivement […] les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise », […] et surtout « les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur ».

L’encadrement ainsi opéré du règlement intérieur prive-t-il l’employeur de sa liberté de recourir à des sanctions qui n’auraient pas été mentionnées ?

La Cour de cassation, dans son arrêt en date du 26 octobre 2010, y apporte une réponse claire. Dans cette affaire, un salarié avait été sanctionné par une mise à pied d’une durée de cinq jours ouvrés en raison de propos diffamatoires tenus à l’encontre de l’employeur. Il contesta la sanction devant les juridictions du fond. La cour d’appel refusa d’annuler la sanction au motif que le silence du règlement intérieur, qui ne limitait pas la durée de la mise à pied, ne constituait pas un obstacle à la licéité de la sanction.

Le raisonnement des magistrats de la juridiction du fond fut basé sur le fait que la sanction infligée était inhérente au pouvoir disciplinaire de l’employeur, qui l’autorise à en faire usage, sous le contrôle du juge et dans le respect des dispositions conventionnelles.

L’analyse de la cour d’appel est rejetée par la chambre sociale, qui affirme que « dès lors que le règlement intérieur fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur, une sanction ne peut être prononcée contre un salarié que si elle est prévue par ce règlement ».

Le règlement intérieur prévaut sur le pouvoir de direction de l’employeur. La Cour de cassation fait prévaloir le processus légal d’élaboration du règlement intérieur sur le pouvoir de direction de l’employeur dont découle son pouvoir disciplinaire. La libre expression du pouvoir disciplinaire de l’employeur se trouve ainsi cantonnée aux seules entreprises dont l’effectif est inférieur à 20 salariés. Pour les autres, la solution dégagée est sans ambiguïté : le régime légal s’impose à l’employeur qui se trouve lié par le contenu du règlement intérieur.

Tirant toutes les conséquences du caractère impératif du régime légal, la chambre sociale va jusqu’à considérer qu’une sanction inscrite dans le règlement intérieur, mais imprécise dans sa portée, équivaut à une absence de mention. En l’espèce, elle a estimé que la « mise à pied prévue par le règlement intérieur n’est licite que si ce règlement précise sa durée maximale ».

Cette solution est lourde de conséquences en pratique pour les entreprises qui omettent d’inscrire de manière précise les sanctions qu’elles désirent infliger et surtout pour celles qui sont dépourvues de règlement intérieur.

En effet, si les grandes entreprises disposent toutes de règlement intérieur, une carence est observée dans les établissements secondaires où sont employés plus de 20 salariés et qui se croient couverts par le règlement du siège. Or, il n’en est rien.

La vigilance s’impose donc : si l’entreprise inflige une sanction sans règlement intérieur ou si celle-ci n’y est pas mentionnée, elle sera nulle ; s’il s’agit d’un licenciement, l’absence de règlement intérieur le rendra injustifié.

Brigitte Pelletier, avocate associée au cabinet Dupiré & Associés, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.

Auteur

  • BRIGITTE PELLETIER