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Un agenda social de précampagne présidentielle

L’actualité | publié le : 11.01.2011 | EMMANUEL FRANCK, LAURENT GÉRARD, VIRGINIE LEBLANC, ÉLODIE SARFATI

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Un agenda social de précampagne présidentielle

Crédit photo EMMANUEL FRANCK, LAURENT GÉRARD, VIRGINIE LEBLANC, ÉLODIE SARFATI

L’année 2011 s’ouvre sur une initiative du Medef, qui entend proposer son agenda social aux syndicats de salariés. L’emploi, notamment celui des jeunes, la protection sociale et un vaste thème “vie au travail” ont ainsi été avancés. Sur ces points, tous les partenaires sociaux ont leurs propres priorités d’ici à 2012.

Les numéros deux de chacune des huit organisations nationales syndicales et patronales devaient se rencontrer le 10 janvier pour préciser le contenu et les dates de l’agenda social 2011-2012. Dans un courrier qu’elle a envoyé aux syndicats mi-décembre, Laurence Parisot, présidente du Medef, a listé les quatre thèmes qu’elle souhaiterait soumettre à la délibération : emploi, protection sociale, vie au travail et dialogue social. Hormis la vie au travail, qui ouvrirait de nouveaux chantiers (équilibre des temps, égalité professionnelle…), ces thèmes correspondent à des dossiers déjà en cours, plus ou moins avancés.

Les négociations sur les retraites complémentaires et sur l’Unédic, contraintes par un calendrier légal, ont de grandes chances d’aboutir cette année. Poussé par le gouvernement, le dossier de l’emploi des jeunes pourrait également déboucher sur des mesures concrètes dès 2011.

Les autres chantiers sont incertains. Celui du paritarisme vient de connaître un coup d’accélérateur, mais il est si complexe et structurant pour les partenaires sociaux qu’il prendra du temps. Quant à la réforme des institutions représentatives du personnel, elle patine.

Pas de négociation 35 heures

S’agissant des 35 heures, bien que Nicolas Sarkozy n’y voie pas un « sujet tabou », elles ne devraient pas faire l’objet d’une négociation. Le patronat craint en effet que cela ne débouche sur une remise en cause des allègements de charges.

Au final, il y a peu de chance que la négociation interprofessionnelle bouleverse le Code du travail cette année. Les réformes importantes sont déjà passées et l’approche des élections présidentielles de 2012 n’est pas propice à l’ouverture d’importants chantiers sociaux.

L’emploi

Depuis la fin du conflit sur les retraites, la question de l’emploi, notamment celui des jeunes, est en tête des priorités, à la fois des partenaires sociaux et du gouvernement.

Xavier Bertrand a mis le focus sur l’alternance, et reçoit depuis décembre les différents acteurs sociaux à ce sujet. Pour augmenter le nombre de jeunes en alternance de 600 000 à 800 000 en 2015, suivant la feuille de route du ministre, plusieurs pistes ont été avancées pour inciter les entreprises à recruter davantage en alternance : abaisser de trois à cinq ans la durée d’expérience requise pour devenir maître d’apprentissage, ou encore revoir le quota d’alternants dans les entreprises – il est actuellement de 3 % des effectifs dans les entreprises de plus de 250 salariés – en le couplant à un système d’incitation financière type bonus-malus.

Des mesures devraient être annoncées au cours du premier trimestre, alors que les aides temporaires à l’embauche en contrat d’alternance (apprentissage et professionnalisation) décidées au printemps 2009, et dont la CGPME demande la pérennisation, sont arrivées à terme fin 2010. La CGT veut, elle, des mesures plus contraignantes : « L’alternance doit déboucher sur l’emploi durable. Pour éviter les effets d’aubaine, les aides financières doivent avoir des contreparties », estime Maurad Rabhi, secrétaire confédéral.

Le sujet sera aussi au menu des négociations entre les syndicats et le patronat. Pour Laurence Parisot, il faut « voir d’une manière très opérationnelle, très concrète », ce qui relève de la « responsabilité des partenaires sociaux : le logement, l’orientation et la formation initiale ». Force ouvrière est à peu près sur la même approche : pour Stéphane Lardy, secrétaire confédéral, « les partenaires sociaux peuvent apporter leur pierre en travaillant sur ce qui freine l’accès à l’emploi, par exemple en fléchant vers les jeunes certains dispositifs gérés paritairement, comme le 1 % logement, les services de l’Apec, le FPSPP… ».

La CFDT, pour sa part, demande « des engagements chiffrés d’embauches dans les 11 filières stratégiques définies lors des Etats généraux de l’industrie », détaille Laurent Berger, secrétaire national. Enfin, les organisations de salariés souhaitent mettre la question des stages sur la table. Mais, si Laurence Parisot évoque cette question dans le document qu’elle a envoyé aux syndicats en préparation de la réunion du 10 janvier, elle ajoute que cela « pourrait nous conduire à aborder la question générale des contrats de travail ». Un sujet « clivant » pour les partenaires sociaux, souligne Stéphane Lardy, qui estime que pour aboutir sur l’emploi des jeunes, mieux vaut éviter les questions qui fâchent. La CFDT préfère elle aussi aborder le sujet des parcours professionnels dans un second temps de la négociation.

Le paritarisme

Le dossier du paritarisme décolle enfin. Les partenaires sociaux devaient se retrouver ce 11 janvier pour ouvrir une « négociation » sur la réforme du paritarisme. Après un an de « délibérations », ils sont parvenus à se fixer un objectif : élaborer un cahier des charges que devront s’appliquer les organismes paritaires – formation professionnelle, retraites complémentaires, Apec, Unédic… – afin qu’ils se dotent d’une gestion « irréprochable ». « Des organismes paritaires, dont certains gèrent des milliards d’euros, se doivent de respecter des règles de gouvernance rigoureuses qui assurent une gestion irréprochable et transparente », posait le document de travail auquel sont parvenus les partenaires sociaux le 7 décembre. Après les révélations sur la mauvaise gestion du 1 % logement, de la médecine du travail ou des Opca, les partenaires sociaux ne veulent plus que les organismes paritaires prêtent le flanc à la critique.

Il s’agit également de les préserver des ingérences de l’Etat et de l’appétit des acteurs privés (banques et assurances notamment), et de reprendre la main aux permanents salariés (lire Entreprise & Carrières n° 1029 du 21 décembre 2010).

Enfin, deux enjeux internes aux organisations patronales et surtout syndicales viennent se greffer aux précédents. La CGT et la CFDT aimeraient que les nouvelles règles de représentativité issues de la loi du 20 août 2008 s’appliquent dans les instances paritaires, ce qui signifie que le nombre d’administrateurs de chaque syndicat serait proportionnel à son audience. La CFTC et FO ne veulent pas en entendre parler. Pourtant, à devoir désigner 180000 mandataires dans 9000 instances (sans compter les IRP) – recensement effectué par l’association Réalités du dialogue social –, les organisations syndicales et patronales épuisent leurs effectifs, déjà faibles. Mais aucune n’est prête à laisser sa place.

Le dialogue social

La délibération sur la « modernisation du dialogue social », dont l’objet est de réformer les IRP, n’aborde pas 2011 sous les meilleurs auspices. Les rencontres, démarrées il y a un an, ont été peu productives, et les séances de novembre ont été annulées pour cause de conflit sur les retraites. C’est dans ce contexte que les partenaires sociaux doivent de nouveau se réunir le 13 janvier. « Aujourd’hui, je ne vois pas d’intersection entre les positions patronales et les attentes des syndicats », déclare Michel Doneddu, secrétaire confédéral à la CGT, qui rappelle que deux volets de cette délibération, auxquels tenait la CGT, ont été vidés de leur contenu (le dialogue social dans les TPE) ou sont au point mort (le partage de la valeur ajoutée).

D’un côté, les syndicats voudraient que la consultation du comité d’entreprise devienne plus contraignante, de l’autre le patronat aimerait réduire les effets de seuil et sécuriser les procédures « afin d’accélérer les licenciements », selon Michel Doneddu. « Nous ne voulons pas vider les IRP de leurs fonctions mais les adapter aux TPE-PME. Lorsqu’une entreprise franchit le seuil de 50 salariés, cela crée plus de 30 obligations supplémentaires. C’est l’une des raisons pour lesquelles la France manque d’entreprises de taille intermédiaire », déclare Geneviève Roy, vice-présidente de la CGPME, qui rappelle, en outre, que « le manque de visibilité sur l’avenir de nos entreprises explique que les discussions soient en stand by ».

Le financement de la protection sociale

L’ouverture d’une délibération économique sur le financement de la protection sociale et notamment de l’assurance maladie est également proposée aux organisations syndicales. « Nous sommes prêts à engager la discussion sur le coût du travail et, derrière cette question, à aborder le financement de la protection sociale », indique Véronique Descacq, secrétaire nationale en charge des questions économiques à la CFDT. L’objectif serait de clarifier ce qui relève du financement par les cotisations sociales sur le travail, de la CSG, ou d’un financement plus fiscalisé. « Nous souhaitons insister sur le fait qu’un haut niveau de protection sociale peut apporter de la compétitivité aux chefs d’entreprise », indique la représentante CFDT. La CFE-CGC est d’accord aussi pour réexaminer les cotisations sociales, à condition que les baisses de charges consenties aux entreprises soient réévaluées au regard des emplois qu’elles créent.

« Si le Medef veut un cycle de délibération dont le but est de fiscaliser les dépenses sociales, nous refuserons, tranche Michel Doneddu, secrétaire confédéral (CGT). Il y a d’autres voies que les exonérations de charges et que la mise en place d’une assurance privée pour la dépendance ».

La vie au travail

La thématique de « la vie au travail » évoquée par Laurence Parisot est très large. La patronne du Medef aimerait « inciter les branches ou les entreprises à décliner les accords interprofessionnels que nous avons signés au cours des deux dernières années avec les syndicats sur le stress et le harcèlement », et souhaiterait aborder plus précisément les questions de « l’articulation des temps entre vie professionnelle et vie familiale, de la lutte contre les discriminations, de l’égalité hommes-femmes et surtout les modalités de progression de carrière des femmes par rapport aux hommes ». En réponse, la CGT se dit preneuse d’une négo­ciation sur le travail, dès lors qu’elle aborde les « questions de rythmes et de conditions de travail, de pratiques managériales, et de tout ce qui aujourd’hui aboutit à une dégradation des conditions de travail ». Un point de vue partagé par FO : « La vie au travail est un sujet central qui touche à l’organisation du travail, estime Stéphane Lardy. Aujourd’hui, la dégradation des conditions de travail est devenue parfois traumatisante pour les salariés. C’est un défi collectif pour les années à venir et pas seulement pour 2011. »

L’avenir de l’Apec en discussion

→ Les partenaires sociaux ont ouvert le 21 décembre une négociation sur la convention Apec. Une première depuis sa création, en 1966. Il faut dire que l’association paritaire est arrivée en 2010 à un tournant de son histoire, depuis qu’elle n’est plus l’opérateur unique de placement des cadres – ce qui a fait passer le nombre de cadres accompagnés par l’Apec de plus de 30 000 à environ 5 000.

→ La Commission européenne ainsi que l’Inspection générale des affaires sociales lui ont par ailleurs demandé de clarifier ses missions, entre celles relevant du service public – l’accompagnement des carrières des cadres et jeunes diplômés –, et celles relevant d’activités concurrentielles, comme, désormais, l’accompagnement des chômeurs. Les partenaires sociaux doivent donc redéfinir les objectifs de l’Apec et l’utilisation de la cotisation obligatoire des cadres (95 millions d’euros par an, soit deux tiers de son budget).

Les négociations obligatoires

L’Agirc-Arrco

Une troisième réunion sur les retraites complémentaires a eu lieu le 4 janvier, et la prochaine se tiendra le 26 janvier. Les partenaires sociaux ont déjà reconduit jusqu’à juin 2011 l’accord AGFF destiné à assurer le financement des retrai­tes complémentaires versées entre 60 et 65 ans. Le patronat et les syndicats (sauf la CGT) ont retenu le scénario d’un taux de chômage à 7 % et de gains de pouvoir d’achat de 1,5 %. L’enjeu est de pren­dre en compte la réforme de 2010, le recul de l’âge légal de départ à la retraite ne limitant pas la dégradation de la situation financière des régimes complémentaires à long terme, la situation de l’Agirc étant encore plus préoccupante. La hausse du taux de cotisation ne suffirait pas, selon Danièle Karniewicz (CFE-CGC), une voie de toute façon exclue par le Medef. En outre, les syndicats souhaitent l’arrêt de la baisse des rendements des régimes.

L’assurance chômage

La négociation pour la nouvelle convention Unédic débu­te le 24 janvier et devra s’achever fin mars, quand celle si– gnée en 2009 arrivera à terme. Les enjeux sont de taille : fin novembre, on comptait plus de 2,5 millions de chômeurs indemnisés, un chiffre en hausse de 1,2 % en un an. Le nombre de chômeurs de longue durée n’a cessé d’augmenter avec la crise, tandis que le gouvernement pourrait décider d’étendre le CTP (contrat de transition professionnelle). Pour la CFDT, seul syndicat signataire de la convention 2009, l’important est de maintenir les acquis, notamment l’abaissement de six à quatre mois de la durée de cotisation minimale. Mais elle défendra aussi l’idée de « droits rechargeables », qui permettraient à un chômeur de retrouver une indemnisation à l’issue d’un emploi temporaire. La CGT veut aborder les questions de précarité, des chômeurs en fin de droits, mais aussi des ruptures conventionnelles, qui « coûtent cher à l’assurance chômage », remarque Maurad Rabhi.

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK, LAURENT GÉRARD, VIRGINIE LEBLANC, ÉLODIE SARFATI