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« Le congé solidaire est un outil de management responsable »

Enjeux | Plus loin avec | publié le : 11.01.2011 | VIOLETTE QUEUNIET

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« Le congé solidaire est un outil de management responsable »

Crédit photo VIOLETTE QUEUNIET

Le congé solidaire constitue un outil prometteur pour mettre en œuvre le volet social d’une démarche de développement durable. Il peut être aussi valorisé dans la gestion des ressources humaines de l’entreprise.

E & C : Vous avez consacré une étude au congé solidaire, que vous considérez comme un outil de management responsable. De quoi s’agit-il ? Est-ce la même chose que le congé de solidarité internationale prévu dans le Code du travail ?

Christelle Chauzal-Larguier : Le congé solidaire est une marque propre de l’association Planète Urgence. D’autres associations proposent le même type de congés, mais sous un autre nom, comme par exemple le congé de solidarité volontaire de l’association Projects Abroad. La particularité de ces congés est d’être de courte durée. Ils peuvent être pris sur le temps de congés payés et le salarié peut demander une aide financière à son employeur pour le mettre en œuvre. Le congé de solidarité internationale, introduit dans le Code du travail en 1995 (art. L. 3142-32), est plus complexe à mettre en place : sa durée est plus longue – six mois maximum –, il n’est pas imputable sur les congés annuels, le contrat de travail est suspendu pendant sa durée. Quand le texte de loi est sorti, une liste des associations pouvant accueillir les salariés dans le cadre de ce congé a été publiée mais elle n’a pas été régulièrement actualisée. Du coup, les salariés étaient un peu perdus dans la recherche de missions. Planète Urgence, Projects Abroad et d’autres associations ont donc répondu à un besoin en créant les congés solidaires de courte durée et, surtout, en proposant des missions clés en main dans des domaines divers : formation (enfants et adultes), protection de l’environnement, défense des droits de l’homme, soins animaliers, etc. Le salarié se trouve ainsi complètement dégagé de la recherche de mission et peut se concentrer sur sa réalisation. Il reste acteur de son projet “solidaire”.

E & C : Au-delà de son apport pour le salarié, quel est l’intérêt de ce type de congé pour l’entreprise ?

C. C.-L. : Les entreprises peuvent, si le salarié le souhaite, apporter une aide matérielle et/ou financière : financement de la formation préalable à la mission, prise en charge du billet d’avion, de l’hébergement, etc. Cette aide peut être ponctuelle, mais l’entreprise a la possibilité de s’engager encore davantage en devenant partenaire de l’association qui offre les missions. Elle est alors valorisée sur le site Internet de l’association – mention de son nom, récit des missions par les salariés, etc. Elle peut aussi enrichir la communication institutionnelle de l’entreprise sur la thématique de la RSE. Bien entendu, le soutien financier bénéficie d’avantages fiscaux (art. 238 bis du CGI). Mais surtout, en s’engageant dans une action concrète, les entreprises soucieuses de mettre en œuvre une politique de développement durable trouvent là un outil intéressant sur le volet social, qui en compte peu. Le volet environnemental prend en effet souvent le pas sur le social dans une politique de RSE. Le congé à but solidaire fait son entrée dans l’entreprise plutôt à l’initiative des salariés qui sollicitent l’aide de leur employeur. L’entreprise peut saisir cette occasion pour, dans un deuxième temps, intégrer ce type de congé dans sa politique de RSE. Elle devient alors source de propositions et peut faire du congé une variable de marketing interne.

E & C : N’y a-t-il pas un risque d’intrusion de l’entreprise dans l’engagement associatif des salariés ?

C. C.-L. : Pour limiter ce risque, l’entreprise doit veiller à laisser un certain nombre d’initiatives aux salariés. Si le congé à but solidaire doit être un outil de management responsable, il faut qu’il y ait co-construction. C’est un outil prometteur, parce qu’il donne la possibilité au salarié et à l’entreprise de se retrouver et de collaborer sur un projet.

E & C : Lors des dernières assises de l’ANDRH, les responsables RH s’interrogeaient sur les moyens de faire de l’engagement associatif des salariés un atout pour l’entreprise. Qu’en pensez-vous ?

C. C.-L. : C’est une bonne chose que les DRH s’intéressent à ce sujet. Cela signifie qu’il n’est pas seulement objet de communication ou de stratégie de l’entreprise. On peut espérer que cet intérêt contribue à une meilleure connaissance des dispositifs tels que ces congés solidaires, encore largement méconnus. Car leur apport en termes de RH peut être très important. Les salariés acquièrent des compétences pendant ces missions qui peuvent être transformées en compétences clés dans l’entreprise. Ils travaillent dans des contextes différents, avec une approche interculturelle qui nécessite des capacités d’adaptation. Cela peut être très enrichissant pour l’entreprise. On peut très bien imaginer de valoriser ces compétences en les intégrant dans un parcours de carrière – je pense, par exemple, à la dimension internationale acquise au cours de ces missions. Cela peut tout à fait avoir sa place dans la progression du salarié et dans un bilan de compétences.

E & C : Quels conseils donner à un responsable RH soucieux de favoriser ces congés ?

C. C.-L. : Je conseillerais de ne pas envisager le congé comme la seule initiative du salarié mais de mettre en place une politique de GRH qui enrichisse cet outil. Un exemple : le congé solidaire peut être financé dans le cadre du droit à la formation.

PARCOURS

• Christelle Chauzal est maître de conférences en sciences de gestion à l’université Blaise-Pascal Clermont-Ferrand 2, membre du groupe de recherche communication et solidarité. Elle est membre associée au Gregor (groupe de recherche en gestion des organisations) à l’IAE de Paris.

• Elle est l’auteure, avec Anne Murer-Duboisset, de l’article intitulé “Favoriser les congés solidaires pour développer les outils d’un management responsable”, paru dans la revue Humanisme & Entreprise, n° 298, juin 2010.

SES LECTURES

• Les Relations salariés-employeurs : quel partage des valeurs ?, dirigé par Jean-Michel Sahut, L’Harmattan, 2010.

• La Responsabilité sociale de l’entreprise,in Revue française de gestion, vol. 34, n° 180, 2008.

• Mythes et réalités de l’entreprise responsable, Michel Capron et Françoise Quairel-Lanoizelée, La Découverte, 2004.

Auteur

  • VIOLETTE QUEUNIET