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Paritarisme : les partenaires sociaux ouvrent un chantier miné

L’actualité | publié le : 21.12.2010 | EMMANUEL FRANCK, MARTINE ROSSARD

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Paritarisme : les partenaires sociaux ouvrent un chantier miné

Crédit photo EMMANUEL FRANCK, MARTINE ROSSARD

Dès janvier, les partenaires sociaux entament la réforme du paritarisme. Formation, retraites, couverture sociale…: un chantier de modernisation énorme, dont l’un des enjeux est d’asseoir la légitimité des partenaires, notamment face aux appétits du privé et de l’Etat. Décryptage.

Revoir la gouvernance de fond en comble. Les partenaires sociaux ont-ils d’autres choix pour confirmer le paritarisme dans son principe ? Face aux critiques dont font l’objet les instances paritaires qui gèrent et financent des pans entiers du contrat social français, et pour éviter que ces critiques ne déteignent sur le paritarisme lui-même, ils ont décidé de reprendre la main. Les organisations syndicales et patronales doivent se rencontrer le 11 janvier pour entamer une « négociation » sur la modernisation du paritarisme. Après un an de « délibérations » sur ce sujet, que les partenaires sociaux ont mises à profit pour dresser un état des lieux partagé et une méthodologie, ils se sont décidés, début décembre, à entrer dans le vif du sujet.

Futur code de bonne conduite

L’enjeu est de « déterminer les règles et principes de fonc­tionnement d’une gestion paritaire irréprochable », indique le texte – document de base de travail – auquel sont parvenus les partenaires sociaux le 7 décembre. Sont concernés par ce futur co­de de bonne conduite tous les organismes relevant du “paritarisme de gestion” (par opposition avec la négociation collective) – formation professionnelle, retraites complémentaires, Apec, Unédic, Acoss, Pôle emploi, Cnamts… –, que les partenaires sociaux gèrent seuls ou avec l’Etat.

Vers une gestion irréprochable

« Des organismes paritaires, dont certains gèrent des milliards d’euros, se doivent de respecter des règles de gouvernance rigoureuses qui assurent une gestion irréprochable et transparente », estiment les auteurs du document de travail. « Après les critiques sur la gestion du 1 % logement, de la médecine du travail ou des Opca, les partenaires sociaux veulent démontrer la régularité et l’efficience de la gestion paritaire », explique un observateur.

Afin que cette gestion ne prête plus le flanc à la critique, les organisations patronales et syndicales vont donc tenter d’élaborer un cahier des charges que tous les organismes paritaires devront respecter, notamment en matière de gouvernance ; de valeur ajoutée du service proposé ; d’efficacité sociale et économique ; de professionnalisation des acteurs ; de financement du paritarisme et d’évaluation. « Si les organismes n’appliquent pas les règles, ils sortiront » du paritarisme, explique le même observateur.

A l’arrivée, la mise en œuvre du code de bonne conduite pourrait donc se traduire par une réduction du nombre d’instances. C’est peut-être le but. Car « les organisations syndicales et patronales ne tiennent pas à conserver tous les postes [d’administrateurs], qui les épuisent », relève Bernard Vivier, directeur de l’Institut supérieur du travail. A l’heure des choix, il faudra s’attendre à quelques frictions entre les confédérations et leurs mandatés dans les instances paritaires, où l’ambiance n’est pas vraiment à l’autocritique (lire p. 6).

Interventionnisme de l’Etat

Pour les partenaires sociaux, un autre enjeu de cette négociation est de démontrer qu’ils sont capables de rendre des services aux salariés et aux entreprises aussi bien, voire mieux, que ne le feraient l’Etat ou le marché. Or l’Etat a tendance à empiéter sur leur territoire (création de Pôle emploi) et à intervenir dans leurs arbitrages budgétaires (financement du FPSPP).

Face à cela, « la CGPME a toujours dit qu’elle ne voulait pas que l’Etat soit gestionnaire : ce dernier n’a jamais démontré ses compétences en la matière », déclare Geneviève Roy, vice-présidente de la CGPME. Mais, au nom de la CGT, Michel Doneddu, secrétaire confédéral, souligne que sa centrale ne fera pas front commun avec des organisations patronales contre l’interventionnisme de l’Etat, « même si ses ponctions sur le 1 % logement sont intolérables ».

Quant au marché, il voudrait capter une partie de la clientèle du paritarisme. « C’est pourquoi, au sein du Medef, il y a des fédérations – banques, assurances –, qui aimeraient bien sortir du paritarisme », explique Bernard Vivier.

Les permanents salariés dans le collimateur

Enfin, un troisième type d’acteur est dans le collimateur de certains partenaires : les permanents salariés des organismes paritaires. Ainsi, la CGT regrette le poids de la technostructure qui prend le pas sur le conseil d’administration (CA). « Et en sous-main, ce sont les volontés patronales qui passent », dénon­ce Michel Doneddu, pour qui les décisions devraient être prises en CA avec une majorité côté patronal plus une majorité côté syndical. La CFDT, elle aussi, plaide pour un pouvoir accru au conseil d’administration, « qui doit garder la maîtrise de la mise en œuvre des décisions », précise Véronique Descacq, secrétaire nationale. Pour elle, les directions doivent rendre des comptes au conseil d’administration.

La CFDT réclame également la transparence dans les indemnités allouées aux administrateurs et, via la création de comités des rémunérations, le contrôle non seulement des salaires « mais aussi des primes et parachutes dorés » des permanents. En attendant la reprise de la négociation le 11 janvier, les organisations syndicales devraient se concerter entre elles, « début janvier », selon Michel Doneddu.

Représentativité syndicale dans le paritarisme : la question qui fâche

→ Les partenaires sociaux traiteront-ils de la composition des conseils d’administration ? La réponse est lourde de conséquences, car elle concerne aussi le financement du syndicalisme. Actuellement, le nombre de postes d’administrateurs attribués à une organisation et les sommes qu’elle perçoit pour cet effort ne dépendent pas forcément de son poids. La réforme de la représentativité, qui conditionne celle-ci à l’audience du syndicat, change la donne.

→ La CFDT fait valoir que les règles issues de la loi d’août 2008 devront s’appliquer dès la compilation des résultats électoraux par branche et au niveau interprofessionnel en 2013. La CGT partage le même point de vue, mais ajoute qu’il faut aussi évaluer la représentativité des organisations patronales. FO affirme que lier paritarisme et représentativité risquerait de nuire aux débats. Et, à l’occasion d’un discours devant les sociétaires FO de la Macif, Jean-Claude Mailly a dénoncé « certains qui veulent immédiatement modifier les équilibres en anticipant les résultats qu’ils espèrent obtenir en 2013 ». Selon Pierre Mences, « la CFTC n’acceptera pas une transposition de la loi du 20 août […] dans cette négociation ».

→ La partie patronale ne semble pas vouloir aborder le sujet. « La question n’est pas à l’ordre du jour », estime Geneviève Roy pour la CGPME.

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK, MARTINE ROSSARD