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Enjeux

Cure de désintoxication

Enjeux | Chronique de Meryem Le Saget | publié le : 21.12.2010 |

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Cure de désintoxication

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Cela fait des années que les experts soulignent les excès du capitalisme financier. Mais, en fait, il est chevillé à notre mental comme une norme incontournable. On croit donc, “comme tout le monde”, que la raison d’être d’une organisation est de faire du profit et que les vrais patrons d’une entreprise sont les actionnaires. Il est évident que l’argent est une ressource vitale, mais ce n’est pas la seule. Ce serait comme croire que le cœur est l’unique organe qui compte dans le corps humain, et pas le cerveau.

Dans le monde de demain, l’exercice de nombreuses compétences clés sera essentiel à la bonne santé de l’entreprise. La valeur sera largement créée par la matière grise des collaborateurs, les idées, les intuitions, l’innovation, la communication. Il serait logique d’imaginer que les salariés, tout comme les managers qui ­assurent le développement de l’organisation, aient davantage leur mot à dire dans les décisions. Alors, invention d’une nouvelle gouvernance ? Ou bien salariés et managers tous actionnaires ? Ou encore nouvelle comptabilité qui changerait la donne en déduisant des profits habituels la valeur “détruite” par l’entreprise dans l’environnement de notre planète ? Sympathiques perspectives, mais nos façons de penser résistent. Elles n’arrivent pas à prendre au sérieux les pistes alternatives.

Un autre blocage de notre cerveau contemporain m’étonne toujours : la notion de séparation de l’individu. Dans la nature, la plupart des animaux, les oiseaux, les poissons, ont une sagesse de groupe. Ils sont reliés entre eux, au point de savoir par exemple bifurquer ensemble instantanément de leur trajectoire. Ils ont cette “intelligence collective de l’espèce”. L’homme moderne se croit différent. Pourtant, les mêmes règles s’appliquent, mais nos modèles mentaux les refusent, donc on ne les perçoit pas. L’individu vit pour lui, pour sa personne, et considère son interlocuteur comme “autre”. Il ne sait plus voir le tout et ses liens profonds, organiques. La vieille pensée mécaniste nous maintient en esclavage.

J’avance une hypothèse : serions-nous dépendants de nos façons de penser d’hier, comme dans une addiction ? “Accro” à l’ancienne économie, “accro” à l’individualisme. Dans une addiction, la personne aime tellement l’activité à laquelle elle est “accrochée” qu’elle ne peut plus s’en passer, quitte à s’autodétruire. Nourriture, alcool, sexe, drogue, mais aussi, dans le milieu professionnel, addiction au travail, au contrôle, à la vitesse, à l’hyperactivité, au stress…

Dans le programme des Alcooliques anonymes, la personne qui veut s’en sortir commence par dire devant ses pairs : “Je suis alcoolique”. Reconnaître, c’est le début de la guérison. Nous sommes “accro” à l’ancienne économie ; nous l’aimons parce qu’elle nous permet de maintenir nos illusions sur le progrès par l’argent et le bonheur par l’accumulation de biens. Deuxième étape : osons imaginer d’autres équilibres. Les modèles mentaux qui étaient acceptables au 19e siècle ne le sont plus aujourd’hui. D’ailleurs, dans vingt ans, le nouveau monde nous semblera évident.

Meryem Le Saget est conseil en entreprise à Paris. <www.lesaget.com>