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Les pratiques

Coups de rabot sur les niches sociales

Les pratiques | publié le : 07.12.2010 | LAURENT POILLOT

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Coups de rabot sur les niches sociales

Crédit photo LAURENT POILLOT

Le PLFSS 2011, définitivement adopté le 25 novembre, ambitionne de réduire le déficit de la Sécurité sociale de 10 % l’an prochain, à 20,9 milliards d’euros. La redéfinition de plusieurs niches sociales doit y contribuer. Cinq mesures notamment pourraient avoir des effets sur l’emploi et sur les rémunérations globales. Revue de détail.

La taxation des retraites chapeaux

Le 19 novembre, en plein examen du projet de loi de finances au Sénat (PLF), le rapporteur général de la commission des finances (UMP), Philippe Marini, a fait voter une franchise de 1 000 euros sur les contributions appliquées aux retraites supplémentaires versées par les entreprises. Bien qu’adopté, cet amendement a jeté un froid. Car en dernière lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), la commission mixte paritaire s’était échauffée sur un taux progressif socialement acceptable. A savoir, une exonération pour les rentes de moins de 400 euros par mois - ce qui concerne la majorité des retraités bénéficiaires - puis 7 % pour les rentes comprises entre 400 et 600 euros par mois et 14 % pour celles dépassant 600 euros par mois. A la charge du bénéficiaire.

Plusieurs observateurs s’attendent à voir le gouvernement retoquer l’amendement de Philippe Marini. C’est le cas de Philippe Le Clézio, secrétaire confédéral CFDT en charge de la protection sociale, pour qui cet amendement « est contradictoire avec le PLFSS qui vient d’être adopté ».

« On attribue à tort les retraites chapeaux à une minorité de cadres dirigeants, alors qu’elles sont ouvertes à plusieurs centaines de milliers de bénéficiaires », soutient de son côté Philippe Burger, associé chez Deloitte, responsable du département rémunération et avantages sociaux. Ces régimes de retraite supplémentaire, adoptés durant les trentes glorieuses par des secteurs industriels tels que la pharmacie, la chimie ou encore le pétrole, ont aussi été ouverts aux non-cadres. Ils ont perduré, même s’ils ont été fermés aux nouveaux entrants dans les années 1990, et continuent de bénéficier à des catégories de personnels actifs.

Le coup de rabot sur les retraites chapeaux est pour lui emblématique : « On commence par un prélèvement sur les retraites à prestations définies. La prochaine cible sera les retraites à cotisations définies. » De son côté, Philippe Le Clézio prône une « généralisation de la retraite supplémentaire pour qu’elle s’applique à tous les salariés, mais suivant des mécanismes moins opaques, avec des dispositifs gérés paritairement ».

Les stock-options et actions gratuites

La contribution patronale sur l’attribution d’options à l’achat d’actions de l’entreprise, ou stock-options, est relevée de 10 % à 14 % sur la valeur de l’action au moment où le bénéficiaire en devient propriétaire, tandis que la cotisation salariale est portée de 2,5 % à 8 % sur le gain de levée d’option. Les mêmes taux s’appliquent dans le cas d’une offre d’actions gratuites, mais pour des attributions supérieures à la moitié d’un demi-plafond annuel de sécurité sociale, soit 17 676 euros en 2011. « C’est un alignement progressif de la fiscalité sur les contributions liées aux salaires, souligne Philippe Burger. Or cette dynamique revient à traiter de la même manière les grandes entreprises et les PME de croissance qui, elles, utilisent les stock-options ou actions gratuites comme un levier essentiel de rémunération pour leurs dirigeants, pour leurs cadres et souvent même pour l’ensemble de leurs salariés. Le PLFSS vient taxer un potentiel de gain, mais pas un gain certain. »

Les indemnités de rupture du contrat de travail

L’exonération des indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail est limitée à un montant égal à trois plafonds annuels de sécurité sociale (soit 106 056 euros en 2011) et non plus quatre, comme prévu par l’Assemblée nationale. A titre transitoire, cette limite sera fixée à six plafonds (212 112 euros en 2011) pour des PSE notifiés ou des ruptures ayant pris effet au plus tard le 31 décembre 2010. Autre condition à cette exonération : que ces indemnités n’excèdent pas les montants prévus dans la convention ou l’accord collectif en vigueur à cette même date.

« C’est l’une des modifications les plus significatives, car les indemnités de rupture touchent le plus grand nombre, commente Alexis Moisand, avocat associé au cabinet Vaughan. Elle réduit les possibilités d’optimisation fiscale des entreprises et des salariés, puisque cet aménagement va alourdir le traitement social et fiscal des sommes appelées en préjudice. Les ruptures pour motif personnel vont progresser en conséquence. » Le principal effet de cette mesure est, pour lui, managérial : « L’employeur va devoir justifier sa décision en montrant l’insatisfaction liée à la prestation rendue. » « La mesure concerne surtout les cadres supérieurs, estime Denis Falcimagne, directeur de projet pour Entreprise & Personnel. Le seuil d’exonération ayant beaucoup chuté, il vaudra mieux laisser les seniors de cette catégorie en poste, même si l’intéressé est d’accord pour partir. »

Le forfait social sur l’épargne salariale et la retraite supplémentaire

Le taux du forfait social augmente : il vient d’être relevé à 6 %, au lieu de 4 %. Cette contribution à la charge de l’employeur a été introduite il y a trois ans. Depuis, elle n’en finit pas de grimper. « Le forfait social a pris deux points tous les ans, souligne Philippe Le Clézio. Or, comme on est loin des niveaux de prélèvements opérés sur les primes, il reste de la marge avant que les entreprises ne se détournent des mécanismes d’épargne salariale. » « Cette progression est révélatrice d’une intention de rapprocher les prélèvements sur l’intéressement et la participation du niveau de ceux des salaires, assure Philippe Burger. Les entreprises qui prennent la décision d’instaurer des mesures de rémunération indirecte n’ont plus suffisamment de visibilité sur leurs dispositifs, pour lesquels elles ont pourtant investi du temps et de l’argent. »

Les allègements sur les bas salaires

Deux sortes d’allègements sont concernés : la “réduction Fillon” sur les cotisations (maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès, accident du travail et allocations familiales), qui s’applique à toutes les entreprises suivant des coefficients différents en fonction de leur taille, ainsi que les exonérations liées à l’implantation de l’entreprise (exonérations ZRU, ZRR, ZFU et BER). Le gouvernement espère tirer 2 milliards d’euros rien qu’en changeant de mode de calcul. « Les allègements sur les bas salaires étaient calculés chaque mois civil en fonction de la rémunération soumise à cotisations sociales, explique Philippe Burger. Les employeurs qui versent des primes, des treizièmes mois sur toute l’année se trouvaient avantagés. Dès 2011, le calcul des allègements ou exonérations tiendra compte de la rémunération annuelle. » Conséquence, pour un salarié d’une PME de 15 personnes qui perçoit un salaire mensuel brut de 1 500 euros, plus un treizième mois et une prime de 800 euros en juillet, cet expert de Deloitte a calculé que le montant de l’allègement passerait de 3 045 euros à 2 578 euros, soit une différence de 467 euros. « Si le salarié perçoit une prime exceptionnelle en cours d’année, précise-t-il, celle-ci devra être prise en compte pour recalculer l’allègement avec une régularisation à effectuer en fin d’année. L’employeur devra verser un éventuel complément de cotisations en fin d’année. »

L’essentiel

1 Définitivement adopté le 25 novembre, le PLFSS 2011 doit réduire le déficit de la Sécurité sociale de 10 %, à 20,9 milliards d’euros, notamment grâce à la réduction d’une série de niches sociales.

2 La plus emblématique d’entre elles, la taxation des retraites chapeaux, a cristallisé les tensions. La taxe progressive imaginée par les parlementaires pourrait être remise en cause par le projet de loi de finances.

3 Les DRH devront faire évoluer leurs dispositifs de rémunérations différées et peuvent jouer sur les dispositifs “sans mémoire” dans l’entreprise. Ils souhaitent néanmoins une plus grande stabilité législative.

Auteur

  • LAURENT POILLOT