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Résorber la précarité : le défi de sortie de crise

L’actualité | publié le : 07.12.2010 | CÉLINE LACOURCELLE

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Résorber la précarité : le défi de sortie de crise

Crédit photo CÉLINE LACOURCELLE

A l’orée de l’hiver, les associations caritatives constatent l’émergence accélérée d’une catégorie de travailleurs pauvres. Intérimaires, CDD, temps partiels… Ils sont les premières victimes de la crise. Certaines entreprises mettent en place des dispositifs d’aides sociales ou de résorption de la précarité.

Pour la cinquième année consécutive, le Smic ne devrait pas recevoir de coup de pouce gouvernemental au 1er janvier prochain. C’est ce qu’a indiqué la ministre de l’Economie, Christine Lagarde, le 1er décembre. Elle va ainsi dans le sens des prescriptions du groupe d’experts, statisticiens et économistes, dont le rapport, remis la veille au ministre du Travail, Xavier Bertrand, avançait qu’une hausse des salaires pouvait « compromettre la reprise de l’emploi ». Le salaire minimum est aujourd’hui de 8,86 euros l’heure, pour 1 344,77 euros mensuels brut. La revalorisation, connue le 14 décembre prochain, se limitera donc aux mécanismes automatiques légaux, soit une hausse probable de 1,6 %.

Pas de quoi améliorer le quotidien des travailleurs dits pauvres, chaque année plus nombreux, selon le dernier rapport de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes), publié en février dernier. Cet organisme en dénombrait 1,7 million en 2005 et 1,9 million en 2007. Autrement dit, avant la crise. Ces chiffres sont donc aujourd’hui sous-évalués. C’est ce qu’indiquent notamment les observations des Restos du Cœur, ouverts pour leur 26e saison depuis le 29 novembre. Cet hiver, ces salariés pauvres devraient ainsi représenter 6 % des bénéficiaires de l’association.

Seuil de pauvreté

Autre indicateur, celui de la Banque alimentaire, qui avance que 44 % de ses bénéficiaires actifs ont un contrat de travail précaire. Ces constats font écho à l’édition 2010 du “Portrait social de la France” dressé par l’Insee le 17 novembre dernier, annonçant que plus d’un Français sur cinq a traversé une période de « pauvreté » depuis quatre ans.

Ces “working poors”, comme ils ont été désignés aux Etats-Unis, sont des personnes actives, ayant occupé un emploi au moins six mois sur douze, et dont les revenus se situent sous le seuil de pauvreté, soit 949 euros en France en 2008 (dernière donnée disponible, lire aussi l’encadré ci-contre). Parmi eux, de nombreux smicards, surreprésentés dans les petites entreprises et dans les secteurs du commerce et des services.

Veille et plans d’actions à La Poste

Quelques entreprises, parmi celles qui emploient une nombreuse main-d’œuvre peu qualifiée, s’efforcent de fournir des aides à leurs salariés. A La Poste, par exemple, le réseau des 300 assistants sociaux veille et, si besoin, déploie des plans d’actions individualisés. « D’un point de vue financier, tout d’abord, nous pouvons être conduits à apporter des aides directes remboursables ou non, évidemment non soumises à un quelconque taux d’intérêt », explique Josyane Burnichon, coordinatrice nationale des assistants sociaux. Le groupe dispose également de 12 foyers (8 à Paris, 4 dans les Hauts-de-Seine), initialement dédiés à l’accueil des nouveaux embauchés sans logement, qui peuvent réserver des places aux postiers en difficulté. « L’année dernière, 280 avec des problèmes financiers ou en rupture familiale y ont eu accès de façon temporaire », précise la responsable.

Ce dispositif s’apparente à celui du Fonds d’action sociale du travail temporaire (Fastt). « En effet, la Mission sociale hébergement apporte une réponse aux besoins d’hébergement d’urgence des salariés intérimaires. Dès qu’une agence nous alerte, nous mettons ces personnes “à l’abri” avec, pour commencer, une solution hôtelière financée », explique Daniel Lascols, directeur du Fastt ; 600 cas sont en moyenne traités par an.

Autre coup de pouce de La Poste : la prise en charge du dépôt de garantie exigé par les bailleurs lors d’une location. « Sur les six premiers mois de 2010, près de 1 000 postiers ont bénéficié de cette avance Locapass », ajoute Josyane Burnichon, témoin de l’évolution du “profil” des personnes fragilisées, « des femmes seules avec enfants ou des pères divorcés ayant une pension alimentaire à payer », signale-t-elle. Enfin, La Poste, alors qu’elle a été plusieurs fois condamnée pour des cumuls illégaux de CDD, s’est engagée dans son accord social du 3 novembre 2004, à mettre fin au temps partiel imposé et à convertir les CDD en CDI. Ce dernier point a concerné plus de 21 000 personnes sur la période 2005-2009.

Moins de précarité chez Carrefour

Empruntant cette même démarche qui vise à résorber la précarité des contrats, Carrefour a généralisé l’année dernière, dans un accord sur le pouvoir d’achat, le temps complet choisi et la polyactivité dans ses hypermarchés. Ce qui permet aux CDI à temps partiel de compléter leurs horaires dans un autre service ou un autre rayon pour gagner plus. Pour rappel, en France, 5,5 % des actifs sont employés en temps partiel, dont un quart souhaiterait travailler davantage, selon l’Observatoire des inégalités. L’enseigne a, par ailleurs, prévu des remises sur achats accordées aux salariés, de 5 % à 7 %, et des facilités de paiement échelonné pour des achats non alimentaires.

Le Fastt facilite l’accession à l’emploi

Au Fastt, on considère que l’insertion sociale passe aussi par une accession facilitée à l’emploi. D’où la mise à disposition de véhicules en location pour 10 euros par jour et des gardes d’enfant à 1 euro de l’heure. En 2010, 500 000 journées de location de voiture ont été enregistrées et 200 000 heures de garde d’enfant. « Depuis cet automne, nous permettons aussi aux personnes dont le profil n’intéresse pas le secteur bancaire classique d’avoir accès à des prêts ne dépassant pas 3 000 euros, à taux réduit, via des spécialistes du microcrédit. Tout en appréhendant ce sujet avec prudence, nous adhérons à ce dispositif car il s’accompagne d’une évaluation sociale des salariés intérimaires », commente Daniel Lascols. Sur le volet logement, l’organisme paritaire prend en charge la garantie risques locatifs pour trois ans (assurance contre les impayés, dégradation…) et délivre 5 000 avances Locapass par an.

Prestations sociales

Reste les prestations sociales sur lesquelles parient les experts pour restaurer le pouvoir d’achat… Sauf que le RSA Activité, destiné à compléter les revenus du travail, semble bien loin de toucher sa cible. A fin août de cette année, on ne comptabilisait que 648 938 bénéficiaires.

Les travailleurs pauvres en chiffres

→ 2,3 millions de salariés perçoivent le Smic, soit 10 % de la population salariée.

→ Le seuil de pauvreté se situe en dessous de 60 % du revenu médian de la population. Ce qui équivaut à 949 euros par mois en France ou 1 994 euros par mois pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans (données 2008).

→ 1,25 million de personnes travaillent en temps partiel subi, dont 25 % de femmes.

→ RSA (à fin août 2010) : 1,797 million de bénéficiaires dont 1,49 du RSA Socle (sans revenus) et 648 938 du RSA Activité (complément de ressources).

Auteur

  • CÉLINE LACOURCELLE