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Les pratiques

PologneSolidarnosc à l’heure de l’aggiornamento

Les pratiques | publié le : 30.11.2010 | FRANÇOIS GAULT

Le congrès d’octobre a tracé une nouvelle voie pour le syndicat historique Solidarnosc : sans rompre avec le passé, il veut se tourner vers le présent et gagner en compétence et en expertise pour imposer une pratique du dialogue social plus favorable aux travailleurs.

En Pologne, le syndicat Solidarnosc, en congrès à Wroclaw fin octobre, a décidé de faire peau neuve. Son nouveau président, Piotr Duda, 48 ans, ex-sidérurgiste en Silésie, l’affirme sans détour et lance une réforme en trois volets. Politique d’abord : le syndicat va prendre ses distances avec tous les partis politiques. Social ensuite : « Pour nous, le plus important, c’est de rétablir le dialogue social, qui n’existe plus en Pologne, qui est bloqué depuis plusieurs années », dit-il. Volet “héritage” enfin : il faut être fier du passé de Solidarnosc, ce grand mouvement de libération, mais il est désormais nécessaire de se concentrer surtout sur le présent et sur l’avenir. Une nouvelle feuille de route.

Vers un syndicalisme apolitique

« Si l’on veut vraiment défendre les intérêts des salariés, le syndicalisme doit être apolitique et n’apporter aucun soutien à un parti. Ce sont les politiciens qui doivent venir vers nous, et pas le contraire », affirme Piotr Duda. Jusqu’en 1990, Solidarnosc est un syndicat et un mouvement politique d’opposition au régime communiste. Aucun de ses présidents successifs n’a souhaité séparer le syndicat de la politique. En 2005, l’un d’eux fait même une campagne électorale ouverte pour le parti Droit et justice (PIS), conservateur et populiste, des jumeaux Kaczynski. C’est de cette voie que se détourne aujourd’hui Piotr Duda.

Rétablir un dialogue authentique

Sur le terrain social, l’objectif est précis : « Pour débloquer le dialogue social, il faut un minimum de confiance entre les partenaires sociaux, estime le président. C’est ce que je veux établir aujourd’hui. Les dirigeants du gouvernement et du patronat sont obligés de discuter avec nous, parce que les lois leur imposent le dialogue, mais il s’agit d’un faux-semblant… Je veux rétablir un dialogue authentique. » Solidarnosc veut notamment aboutir sur : le renforcement du droit du travail par la déclinaison des réglementations de l’UE ; l’augmentation du salaire minimum (actuellement 1 317 zlotys, soit 335 euros) ; l’amélioration du système d’aides sociales ; un encadrement plus sévère pour le recours au CDD, largement utilisé en Pologne…

Début 2011, pour être plus près de ses adhérents, l’état-major de Solidarnosc entend aussi se décentraliser. « Nous nous réunirons par rotations dans les villes où se prennent les décisions et où les problèmes se posent », expliquent les nouveaux responsables du syndicat. A la même date, les structures du syndicat vont être remodelées : des experts seront engagés pour les conseiller dans des domaines comme l’information-consultation dans l’entreprise, la formation syndicale ou la négociation… « Je veux la construction d’un syndicat fort et efficace », affirme encore Piotr Duda.

Le budget nécessaire à cette “nouvelle donne” est en préparation, fondé entre autres sur les cotisations syndicales. Associations d’universitaires, avocats, petites sociétés de conseil apporteront leur concours.

Ressembler aux grands syndicats de l’UE

En Pologne, tout le monde ne voit pas cette “mutation” d’un très bon œil, dans les milieux politiques notamment. Côté patronal, on l’observe pourtant avec beaucoup d’attention, car dans les années à venir la réorientation de Solidarnosc pourrait bien modifier le paysage social. Au Congrès de Wroclaw se lisait une volonté très claire de ressembler aux grands syndicats de l’Union européenne.

Auteur

  • FRANÇOIS GAULT