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Garantir l’emploi n’empêche pas les licenciements

Enquête | publié le : 30.11.2010 | E. S.

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Garantir l’emploi n’empêche pas les licenciements

Crédit photo E. S.

Les conséquences juridiques des accords “donnant-donnant” ne sont pas neutres pour l’entreprise qui devra, le cas échéant, gérer les refus individuels des salariés. Et pourra avoir à verser des dommages et intérêts en cas de licenciements.

Baisser le coût du travail en échange de garanties d’emploi ? L’équation paraît manifestement tentante. « Quand Bosch, à Vénissieux, a conclu un accord permettant de passer aux 36 heures hebdomadaires en échange de la sauvegarde de 190 emplois, plusieurs DRH m’ont sollicité pour voir s’ils pouvaient mettre en place le même type d’accord, témoigne Pierre Lubet, avocat au cabinet Altana. Mais ils ont vite reculé en voyant les conséquences juridiques que cela entraîne. »

Car, et c’est sans doute paradoxal lorsqu’il s’agit de s’engager dans la voie d’un maintien de l’emploi, les accords de ce type peuvent très vite déboucher sur… des licenciements collectifs. « Dès lors que les contreparties exigées modifient le contrat des salariés, ceux-ci peuvent le refuser, ce qui entraîne leur licenciement », précise l’avocat.

Même si la loi assouplit la mise en œuvre des 35 heures, il n’en reste pas moins que la durée du travail constitue un élément essentiel du contrat de travail, au même titre que la rémunération. Modifier l’un et/ou l’autre expose donc l’entreprise à un certain nombre de contentieux. Le 28 septembre dernier, la Cour de cassation a même estimé que la modulation du temps de travail nécessite l’accord individuel du salarié.

Motif de licenciement contesté

Chez Poclain Hydraulics, qui a signé en 2009 un accord réduisant temporairement salaires et temps de travail, 39 personnes, qui refusaient cet avenant, ont été licenciées. Une quinzaine ont saisi les prud’hommes, indique le DRH, Alain Everbecq : « Nous les avons licenciés pour motif personnel, basé sur le refus d’accepter des changements issus d’un accord collectif ; eux estiment qu’il s’agit d’un licenciement pour motif économique. »

De même, quelle est la portée d’une garantie d’emploi si l’entreprise procède à des licenciements, en contradiction avec les engagements pris ? « Jusqu’à présent, les tribunaux n’ont pas jugé que cela constituait une cause d’annulation du licenciement, mais des entreprises qui n’avaient pas respecté leur engagement en matière d’emploi ont tout de même été condamnées à verser des dommages et intérêts aux salariés et aux syndicats signataires, au titre de leur responsabilité civile et contractuelle », note Florence Canut, maître de conférences à l’université Montpellier 3.

De la même façon, une garantie d’emploi n’entraîne pas l’annulation d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Ce qui fait bondir Alexandra Soumeire, avocate de plusieurs anciens salariés de Continental Clairoix (Oise). Malgré la signature d’un accord garantissant l’emploi jusqu’en 2012, l’usine a fermé fin 2009. « Ces garanties sont une véritable arnaque pour les salariés, puisqu’ils ne peuvent s’en prévaloir pour bloquer leur licenciement ! »

Prud’hommes

C’est donc aux prud’hommes qu’ils iront réclamer l’annulation de leur licenciement, en plaidant – classiquement – la cause non réelle et sérieuse, d’une part, et en réclamant des dommages et intérêts pour la violation de l’accord, d’autre part, « de façon à récupérer les salaires dus jusqu’au terme de la garantie ».

Signataire, la CFTC a choisi de ne pas contester en justice la rupture de l’accord, mais a utilisé l’argument dans la négociation du PSE. Celui-ci prévoit une prime supralégale de 50 000 euros et un congé de mobilité de deux ans.

Auteur

  • E. S.