logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

Deux sites industriels dans la tourmente de la réorganisation

Enquête | publié le : 30.11.2010 | SARAH DELATTRE

En 2008, le site d’Amiens-Sud avait accepté le passage en 4 × 8 contre une garantie d’emploi. Celui d’Amiens-Nord l’avait refusé, prélude à une longue guérilla juridique contre le PSE. Deux ans après, ce sont les conditions de travail qui, dans les deux cas, se dégradent.

Au nord, c’est la rébellion. Au sud, la résignation. A Amiens-Nord, l’usine Goodyear, fabricante de pneus tourisme et agricole, a rejeté en 2008 la réorganisation du travail en 4 × 8. Contrairement à l’usine Dunlop Amiens-Sud, fabricante de pneus tourisme, située de l’autre côté de la route, qui appartient au même groupe Goodyear Dunlop Tires France. Leur direction avait présenté en avril 2007 un projet de complexe réorienté vers la production de pneus à haute valeur ajoutée, assorti de 52 millions d’euros d’investissement sur les deux sites et d’une nouvelle organisation en 4 équipes au lieu de 5.

Chute des ventes

En cause notamment, une chute des ventes et un coût de transformation élevé (trois fois plus qu’en Pologne, par exemple). Alors que dans les deux usines, la majorité du personnel s’y opposait, un accord avait été signé chez Dunlop par la CGT (devenue Unsa), la CFTC, FO et la CGC le 17 mars 2008. En face, la CGT et Sud Chimie avaient fait jouer leur droit d’opposition.

Aujourd’hui, au nord comme au sud, les ouvriers sont fatigués. Le moral est en berne, même si chacun se félicite d’avoir encore un travail. Pour l’instant. Car des deux côtés, l’avenir est incertain et charrie son lot de drames et de stress.

Suppression de 817 postes sur 1 396

Chez Goodyear, la bataille juridique menée par la CGT, majoritaire, a permis de repousser la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l’emploi. Lequel prévoit l’arrêt pur et simple de la production de pneus tourisme, transférée en partie dans des pays à bas coûts, en Pologne et en Slovénie notamment, pour ne maintenir sur place que l’activité agraire, probablement vendue au groupe américain Titan.

Une casse industrielle qui se traduirait par la suppression de 817 postes sur les 1 396. En attendant, le climat devient pesant. « Les arrêts pour accident du travail et pour maladie ont augmenté, observe Virgilio Mota Da Silva, délégué syndical SUD. Nous souhaiterions négocier un cadre pour ceux qui veulent partir et qui le font aujourd’hui sans compensation. » Selon SUD, plus de 250 départs (retraites, démissions, ruptures conventionnelles) en trois ans auraient déjà eu lieu. La nomination par le tribunal de commerce de Nanterre d’un médiateur, Bernard Brunhes, d’avril à fin septembre dernier, n’a pas permis de faire avancer les négociations.

Chez Dunlop, qui compte un millier d’emplois, il n’y a pas eu de PSE. Mais les salariés attendent toujours les 27 millions d’euros d’investissement promis dans le cadre de la réorganisation. Claude Dimoff, secrétaire du CE (ex-CGT passé chez Unsa), tendu, dit ne rien regretter. « C’était ça ou rien. Au moins avons-nous une garantie d’emploi jusqu’en 2013. »

Pourtant, près de 80 opérateurs ont préféré être licenciés plutôt que de signer leur avenant. Ceux qui sont restés ont touché une prime comprise entre 3 500 et 5 500 euros et une augmentation de salaire entre 100 et 220 euros brut, en contrepartie d’un rythme imposé épuisant destiné, lui, à perdurer au-delà de 2013. Les 4 équipes travaillent 35 heures par semaine en moyenne, contre 28 heures auparavant pour celles qui travaillaient les week-ends. « On enchaîne deux jours en matin, deux en après-midi, deux en nuit, deux jours de repos, raconte Joseph Nicolas, délégué SUD. On ne sait plus quel jour on est, on a le nez constamment dans le calendrier. Les gens n’ont plus de vie de famille, il ne nous reste plus que 9 week-ends libres en comptant nos congés payés. Des couples se séparent, des opérateurs prennent de l’alcool ou des drogues dures pour tenir le coup. Deux copains ont fait une tentative de suicide, il y en a un qui ne s’est pas loupé. »

La direction, qui n’était pas joignable, fait de son côté valoir auprès des IRP une diminution de 40 % des accidents par rapport à 2009 et une productivité en hausse de 6,2 %.

GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE

• Activité : fabrication de pneus.

• Effectifs : 2 974 salariés (mi-2009, avant le rattachement d’Amiens-Sud à l’entité européenne).

• Chiffre d’affaires : 666 millions d’euros fin 2009.

Auteur

  • SARAH DELATTRE