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Les pratiques

Un plan antistress aux avancées fragiles chez Renault

Les pratiques | Retour sur… | publié le : 09.11.2010 | MARIE-MADELEINE SÈVE

Les mesures déployées en trois ans par le constructeur automobile pour faire baisser la pression sur ses sites d’ingénierie connaissent des résultats inégaux. Un troisième plan est en préparation.

« Avant, les gens avaient le losange à la place du cœur, c’est moins vrai aujourd’hui ! L’inquiétude domine, avec la peur de revenir en arrière, sur des tensions insupportables autour de prochains projets », observe Jean-François Nanda, secrétaire de la section CFDT sur le site de Guyancourt (Yvelines). Que se passe-t-il donc au Technocentre de Renault, le berceau des véhicules du futur, quatre ans après les suicides de trois de ses salariés ?(1) Son plan antistress, lancé en 2007, n’aurait-il pas porté ses fruits, alors que le constructeur automobile risque d’être condamné pour la seconde fois dans ces tragédies pour « faute inexcusable » ?

Attente d’un second jugement

C’est en effet le 18 novembre que le tribunal des affaires de sécurité sociale (Tass de Versailles cette fois-ci) se prononcera sur un second cas. Quel que soit le verdict, une fois encore, l’affaire fera le tour des boîtes mail dans les bureaux d’études, fragilisant un peu plus la politique volontariste menée par l’industriel pour faire baisser la pression sur ses 5 sites d’ingénierie (12 000 salariés).

Chute du taux d’hyperstress

Pourtant, le directeur de ces établissements, Bernard Ollivier, n’a pas ménagé ses efforts pour y parvenir. Sur le papier, le bilan est plutôt encourageant. D’après la seconde enquête du cabinet d’expertise Technologia, intervenu sur le site en 2007 et fin 2009, le taux d’hyperstress a chuté de 31,2 % à 27,7 % en deux ans, plaçant le groupe dans la moyenne nationale. Et des progrès notables ont été réalisés sur des points clés en termes de risques psychosociaux, tels le niveau d’autonomie (72 % peuvent décider comment faire leur travail contre 22 % en 2007), la proximité dans les relations de travail (73 % déclarent que leurs supérieurs se soucient du bien-être de leurs salariés contre 67 %) et la charge de travail (41 % travaillent 9 heures ou plus contre 67 %). Toutefois, les chiffres recouvrent des réalités contrastées. Un point d’amélioration est déjà palpable puisque les salariés osent exprimer leur malaise. « Les personnes fragiles nous parlent plus facilement et, dans l’entreprise, on nous écoute », se félicite Patrick Guibert, élu CGT et membre du CHSCT au Technocentre. Un effet de la formation de 3 000 managers de toute l’ingénierie, sensibilisés à la détection du stress et à la façon de bien réagir.

Autre signe positif, la séparation du métier de manager de celui de chef de projet. Ce qui soulage le premier, dès lors disponible pour gérer ses troupes. De plus, la mise en place de la filière d’expertise attendue permet aux forts en technique de faire carrière sans passer obligatoirement par la case management. « Nous avons déterminé 57 domaines d’expertise et une échelle à quatre niveaux, détaille Bernard Ollivier : référent, expert, expert leader et expert fellow, tout en haut. Nous avons déjà nommé une vingtaine d’experts et d’autres le seront bientôt. »

En revanche, du côté de la réorganisation des modes de travail, l’efficacité des mesures est moins évidente. En particulier, le rôle des RRHP (responsable RH de proximité), instaurés pour recréer du lien dans les services, déçoit. « On pensait qu’ils allaient jouer un rôle de régulateur, d’arbitre, mais ils font de l’administratif, confortant le système hiérarchique. Beaucoup de salariés n’ont encore jamais rencontré le leur », déplore-t-on à FO. Quant aux adjoints “charge/ressource”, censés équilibrer le travail dans les équipes, ils peineraient à s’imposer auprès des chefs d’UET, réticents à laisser partir leurs ouailles en renfort ailleurs.

Horaires indus

Autre décision, les bureaux sont, de fait, ouverts moins longtemps. Mais cela n’empêche pas les cols blancs, dont 70 % ont un PC portable, de travailler chez eux à des heures indues. Enfin, mesure très appréciée, la journée de l’équipe, voulue comme un moment de convivialité tous les ans, est déjà dénaturée, selon les syndicats. « On en a fait une journée de travail pour relayer de nouvelles orientations managériales », souligne la CFE-CGC.

Bernard Ollivier reconnaît qu’il reste des points de vigilance : « On doit encore travailler sur l’estime, le respect, la confiance et la reconnaissance. C’est l’objet de notre prochain plan, prévu pour la fin de l’année, centré sur le bien-être au travail. Ainsi, je trouverais normal que chacun sache le matin à quelle heure il partira le soir. Et je souhaiterais que, deux fois par an, le manager puisse discuter spécifiquement avec chacun de sa perception de ses conditions de vie au travail. » D’ailleurs, comme signe d’une prochaine garantie d’un meilleur équilibre de vie de ses salariés, le Technocentre aura bientôt sa crèche.

(1) Lire Entreprise et Carrières, n° 971 du 6 septembre 2009.

Auteur

  • MARIE-MADELEINE SÈVE