L’un a sollicité une voyante pour venir lire l’avenir des missions dans le marc du café bu par des consultants. L’autre a donné l’illusion d’un “black out” sur Paris la nuit en obstruant partiellement les fenêtres de la tour d’Eurogroup. La troisième a réalisé, à partir d’une réunion interne, une installation sonore qui interpelle les consultants sur leur jargon professionnel… Depuis 2008, le cabinet conseil en stratégie et management Eurogroup, qui arbore comme devise “The art of mobilization”, invite régulièrement des artistes en résidence au siège de l’entreprise, situé dans une tour de La Défense, près de Paris.

Dans le cadre de ce programme, qui octroie aux artistes un espace de travail et un budget de production durant quatre à six mois, 4 créateurs à la pointe de l’art contemporain ont déjà réalisé des interventions surprenantes, voire dérangeantes. Et ce sous le regard intéressé, perplexe, sceptique ou critique des quelque 500 collaborateurs d’Eurogroup, qui les ont observés.

En confrontant des mondes qui n’ont pas forcément l’habitude de se côtoyer, le cabinet réalise une action de mécénat originale. Il entend ainsi inciter ses collaborateurs à s’interroger sur le sens de leur métier : quelle part d’humanité recèle celui-ci ? Qu’est-ce que bien communiquer ?

« Les œuvres ne sont pas forcément consensuelles, mais elles éveillent la curiosité et suscitent des discussions en interne. Nous choisissons notamment des artistes conceptuels car ce mouvement entre en résonance avec notre métier, où l’on manie des concepts », explique Julien Eymeri, responsable de la résidence d’artistes Eurogroup Consulting.

Ces interventions aideraient aussi les consultants à développer une intelligence émotionnelle et à détecter les signaux faibles, une qualité utile dans le cadre de missions de conduite du changement. « Un consultant ne va pas chez un client simplement pour délivrer un message. Il doit sentir le contexte, être capable de déclencher des mini-crises au bon moment pour faire progresserla réflexion. Nous comptons d’ailleurs mieux prendre en compte cette capacité dans l’évaluation des collaborateurs. »

Et que pensent les intéressés de cette intrusion de l’art contemporain dans leur vie professionnelle ? En l’absence de sondage interne, Eurogroup se fie à l’affluence constatée lors des vernissages nocturnes qui clôturent les résidences (chaque fois, 150 personnes au moins s’y presseraient) ou lors des visites de galeries qu’organise l’entreprise pour ses collaborateurs.

L’image d’employeur d’Eurogroup bénéficierait également à l’extérieur de cette mobilisation autour de l’art : « On a eu des retombées médias intéressantes, par exemple sur Radio Classique. Nous revendiquons une culture d’entreprise différente des autres cabinets, et ça commence à se savoir… »