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Les recalés des plans de départs volontaires

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 09.11.2010 | ELISABETH LAHERRE

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Les recalés des plans de départs volontaires

Crédit photo ELISABETH LAHERRE

Un nouveau type de contentieux voit le jour. Les candidats malheureux des plans de départs volontaires qui se sont vus refuser le bénéfice de ces plans se mettent à introduire des contentieux contre leur employeur en résiliation judiciaire du contrat de travail, ou prennent acte de la rupture et demandent au juge prud’homal de faire produire à cette prise d’acte les effets d’un licenciement. Par ce biais, ils tentent d’obtenir de la justice les indemnités équivalentes à celles du plan dont ils n’ont pu bénéficier.

Ces contentieux se développent plus particulièrement quand le nombre de candidats au départ est supérieur au nombre de ruptures envisagées dans le cadre du PSE, ce qui interdit à l’employeur d’accepter ces départs surnuméraires, sauf à mettre en place un nouveau PSE.

A l’appui de ces prises d’acte ou de ces demandes en résiliation judiciaire du contrat de travail, divers griefs sont invoqués : l’absence de réponse de l’employeur dans le délai prévu, le défaut de motivation de la réponse, le non-respect des critères de sélection des candidats, etc.

Cette situation est pour le moins paradoxale, puisque les salariés requérants demandent la résiliation judiciaire ou prennent acte de la rupture de leur contrat de travail au motif que cette rupture leur a été refusée par l’employeur, ce refus étant qualifié par eux de fautif.

Bien plus, ils réclament une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et demandent ainsi la réparation du préjudice d’une rupture qu’ils sont seuls à revendiquer.

Il s’agit là d’un nouveau type de revendication : le droit des salariés à obtenir la rupture de leur contrat de travail, la violation de ce droit leur permettant d’obtenir cette rupture et son indemnisation à hauteur des indemnités du PSE dont ils n’ont pas bénéficié.

Face à cette situation paradoxale, la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 30 mars 2010, les conditions dans lesquelles un salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail (les règles régissant la résiliation judiciaire étant similaires).

Elle a ainsi cassé un arrêt rendu le 24 juin 2008 (RG 07/01617) par la cour d’appel de Paris, qui avait considéré que le défaut de réponse de l’employeur dans les délais impartis permettait à la salariée de prendre acte de la rupture de son contrat de travail et jugé qu’il s’agissait d’un manquement suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat, la salariée estimant être tenue dans l’ignorance de son avenir professionnel, le délai pour répondre à la proposition d’embauche qui lui avait été faite par une société extérieure étant expiré.

La Cour de cassation rappelle que, non seulement l’employeur doit avoir commis un manquement suffisamment grave pour fonder la prise d’acte, mais aussi que ce manquement doit être de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail.

La faute de l’employeur ne pourra donc qu’être sanctionnée par l’octroi de dommages et intérêts, mais elle ne pourra permettre au salarié d’obtenir par ce biais une rupture qui lui a été refusée : la rupture du contrat de travail n’est ni un droit ni un dû, et le refus par l’employeur de rompre le contrat ne constitue pas un manquement permettant cette rupture, puisque le manquement éventuel de l’employeur ne concerne aucunement les modalités d’exécution du contrat.

Il appartiendra au salarié de prouver et au juge d’évaluer le préjudice subi par le salarié qui s’est vu refuser la rupture de son contrat, préjudice qui ne pourra être que très relatif puisque, par définition, l’emploi est conservé !

Il faut espérer que cet arrêt mettra fin à ces dérives contentieuses qui, si elles prospéraient, conduiraient à un contournement des procédures d’information et consultation du CE et des procédures de contrôle de la Direccte, puisque ces ruptures reposeraient nécessairement sur un motif économique, et qu’il ne peut y avoir dépassement du nombre de ruptures initialement envisagé sans revenir devant le CE et la Direccte et mettre en place un PSE complémentaire.

Elisabeth Laherre, avocate associée chez Coblence & Associés, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.

Auteur

  • ELISABETH LAHERRE