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Les pratiques

ItalieLa méthode Marchionne pour Fiat : chantage ou modèle d’avant-garde ?

Les pratiques | publié le : 02.11.2010 | ANNE LE NIR

Entre les tenants des droits acquis des travailleurs et ceux prêts à en sacrifier certains pour maintenir l’emploi, l’équilibre est difficile. Comme sur le site Fiat de Pomigliano d’Arco, où le patron du groupe s’efforce d’imposer un nouveau modèle.

Le patron de Fiat, Sergio Marchionne, a défrayé la chronique au mois de juin dernier, en proposant aux 4 781 salariés du site de Pomigliano d’Arco (Naples) de se prononcer par référendum, le 22 juin, sur un accord de réorganisation du travail bouclé la semaine précédente. Signé par trois syndicats, la FIM-CISL, l’UILM-UIL et la Fismic, il a été rejeté par la Fiom-CGIL, orienté à gauche. Le référendum a recueilli 63 % de voix en faveur du plan, qui comporte des « concessions indispensables », selon Sergio Marchionne, afin d’investir 750 millions d’euros sur le site où sera relocalisée la fabrication de la Panda (construite actuellement en Pologne).

Les nouvelles conditions de travail prévoient 18 tours hebdomadaires (au lieu de 10) ; 120 heures supplémentaires par an (au lieu de 40) ; la réduction des temps de pause (de 30 à 20 minutes), des sanctions pour tout absentéisme injustifié et une modification de la prise en charge de l’entreprise (carence) en cas de dépassement d’un taux global d’arrêts maladie.

Garantir gouvernabilité et productivité

L’accord inclut un pacte de responsabilité entre l’entreprise et les syndicats pour garantir la gouvernabilité et la productivité. Les signataires se sont, de fait, engagés à ne pas déclencher de grève au moment où la production devra être accrue.

Plus de flexibilité, plus de productivité, moins de droits en échange d’un emploi, c’est ce que les Italiens appellent désormais le “modèle Marchionne”. Mais, six mois après le référendum, où en est-on ? « Les ouvriers qui ont dit oui se sont sentis contraints d’accepter une forme de chantage. D’autant que la région de Naples enregistre un des taux de chômage les plus élevés du pays, observe Sergio Mendola, représentant de la Fiom-CGIL à Naples. Mais nous estimons qu’il est de notre devoir de lutter contre la transformation d’un ouvrier italien en ouvrier chinois au nom de la crise mondiale. »

La Fiom-CGIL considère que la compétitivité doit passer, avant tout, par des investissements dans la recherche et la mise en valeur du “know how”. En attendant, si Fiat a promis d’investir 20 milliards d’euros en cinq ans pour la relance de la production automobile, les projets de répartition des investissements par site se font attendre. La production de la nouvelle Panda, qui devait débuter en 2011, pourrait être repoussée au printemps 2012. Et la direction de Pomogliano vient de proroger le chômage technique pour une durée de 12 mois, alors qu’à l’usine, on ne travaille que 3 à 4 jours par mois depuis 2008 pour fabriquer deux modèles Alfa Romeo en fin de vie.

« Les salaires ne seront pas diminués »

« L’accord signé entre 3 syndicats était l’unique moyen d’éviter de laisser sans emploi près de 5 000 ouvriers et 10 000 sous-traitants, se défend le représentant de l’UILM, en Campanie, Giovanni Sgambati. Les salaires des ouvriers ne seront pas diminués, les contrats prévoient davantage d’heures supplémentaires et de tours de nuit pour mieux rentabiliser les lignes de production. Un ouvrier qui gagnait 1 100 euros devrait donc percevoir 350 euros en plus par mois. »

Pour ce syndicaliste, le problème de la Fiom-CGIL – qui a le même taux de représentation que les autres syndicats à Pomigliano – réside dans son incapacité à avoir une vision d’ensemble entre travail et capital : « Notre époque n’est pas comparable à celle des années 1980, les syndicats doivent se montrer plus conciliants avec les entreprises. » Selon Giovanni Sgambati, « il faut du temps pour mettre en place les nouvelles lignes, pour que les sous-traitants se préparent aux prochains défis ».

Le nouveau contrat de travail sera proposé aux salariés qui ont rejeté le référendum. Eux aussi devront s’engager à respecter les nouvelles clauses… sous peine d’être licenciés.

Auteur

  • ANNE LE NIR