logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

L’illusion des 100 millions

Enquête | publié le : 02.11.2010 | L. G.

La restructuration en cours, fixée sur la base de 100 millions d’euros minimum de collecte, n’a pas d’impact sur 75 % des sommes collectées par les Opca.

La restructuration des Opca est paradoxale. L’obligation de collecter au moins 100 millions d’euros fait disparaître 25 des 41 Opca existants, mais 75 % des masses financières (hors Fongecif) ne sont pas restructurées.

En effet, à ce jour, et selon nos chiffres, 16 Opca dépassent le plancher de 100 millions d’euros de collecte et peuvent voir “la vie en rose” (voir couleur tableau p. 35) : Agefos-PME, Opcaim, Opcalia, Unifaf, Forco, Fafiec, Fafsea, Uniformation, Intergros, Opca Transports, Afdas, Opca Bâtiment, Opca C2P, FAF TT, Fafih, et Anfa.

En revanche, 25 Opca traversent une “période de grisaille” (voir couleur tableau p. 35) : Opca PL, Opca TP, Fafsab, Agefaforia, Opca2, Formahp, Opcassur, Forthac, Opca-Banques, FAF Propreté, FAF Sécurité sociale, Habitat Formation, Plastifaf, Formapap, Forcemat, GDFPE + Agecif Cama, Opca CGM, Opcad, Opciba, Médiafor, Opcams, Agefomat, Auvicom, Opca EFP et FAF Pêche.

Rapprochements

Parmi les 25 collecteurs sur le fil, les situations ne sont cependant pas équivalentes. Opca PL est très proche des 100 millions d’euros de collecte et pourrait espérer vivre seul, vu la grande spécificité des salariés des professions libérales. Opca TP et Fafsab ont déjà annoncé qu’ils s’unissaient à l’Opca Bâtiment pour peser ensemble environ 340 millions d’euros. Agefaforia et Opca2 (les deux Opca de l’agroalimentaire) sont également en discussion pour se rapprocher. De même, Formapap, Opciba et Forcemat ont bien l’intention de créer ensemble l’Opca 3+. Par ailleurs, le FAF Pêche s’est déjà rapproché d’Agefos-PME. Pour le reste, les discussions vont bon train.

Le nombre des Opca est une chose, leur poids financier en est une autre. Les 16 Opca “vernis” pèsent à eux seuls 4,17 milliards d’euros sur un total de 5,44 ; alors que les 25 autres en cumulent à peine 1,27 milliard. Ainsi, 76 % de la collecte totale 2010 des Opca (Opca-Opacif compris, mais hors Fongecif) ne sont pas touchés par l’obligation des 100 millions ! D’où l’idée que la réforme actuelle serait la première étape d’une suivante, plus radicale, aboutissant à une dizaine d’Opca. Cette deuxième vague de réforme reste pourtant incertaine : elle a peu de chance d’intervenir avant 2012, et le rendez-vous politique national majeur de la même année pourrait rebattre les cartes.

Des alternatives à la fusion

En attendant, les 25 Opca en voie de disparition s’interrogent depuis trois ans : que faire ? Les rencontres entre partenaires sociaux, directeurs et équipes techniques des différents collecteurs touchés sont nombreuses. Les marges de manœuvre possibles sont toujours les mêmes.

Fusionner purement et simplement entre Opca est logique, mais l’idée fait grincer des dents. La loi quinquennale de 1993 avait entraîné une foire d’empoigne et un bazar de dévolutions entre Opca fusionnant. L’affaire a laissé un mauvais souvenir. Il est évident que la fusion, à moins d’être menée à la serpe, impose de se poser quelques questions : avec qui se marier ? A quel prix ? Avec quel paritarisme ? Avec délégation de gestion patronale ou pas ? Avec versement au Fongefor (financement du paritarisme au niveau national) ou pas ?

Alternative à la fusion “pure et dure”, l’hébergement par l’un ou l’autre des réseaux de collectes interbranches-interprofessionnel-interrégional. Du fait de leur trop petite taille ou par choix politique, des branches optent déjà pour cette formule : 38 branches sont logées à Agefos-PME-CGPME ; une vingtaine à Opcalia-Medef. Le principe pourrait se renforcer avec la réforme en cours, car ces deux réseaux se positionnent auprès des petits Opca et des petites branches pour devenir leur opérateur.

Une autre alternative serait le rapprochement d’Opca par le partage de services communs au travers d’un GIE, voire d’un “conglomérat”. Les services de logistique, de proximité et de conseil, voire la collecte seraient cofinancés et partagés, mais l’engagement des fonds et le paritarisme (rôle des différentes commissions paritaires de l’emploi et de la formation et leur financement) resteraient gérés en autonomie. Cette idée a notamment été avancée dans nos colonnes (lire Entreprise & carrières n° 1017) par Philippe Dole, inspecteur des affaires ­sociales, auteur de plusieurs rapports sur les Opca, qui ont beaucoup compté dans la construction de la réforme actuelle. Elle nécessiterait un accord politique innovant entre partenaires sociaux et la bienveillance de la DGEFP.

Enfin, personne ne croit plus à la possibilité d’arracher une dérogation. Le décret sur les Opca est clair sur ce point.

Préservation du passé

Au final, on constate que les montages des rapprochements actuels tentent de préserver le passé sous couvert d’avenir : sectorisation interne des futurs Opca, conseils de gestion de section professionnelle reproduisant les conseils d’administration d’Opca destinés à mourir, autonomisation de la gestion des fonds sous couvert de mutualisation faciale… Le gouvernement et la DGEFP oseront-ils ne pas agréer ce type de montage, qui semble se présenter comme le nouveau standard ?

Auteur

  • L. G.