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« La fixation tardive du taux de contribution au FPSPP ôte de la visibilité aux entreprises »

Enquête | publié le : 02.11.2010 | V. G.-M.

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« La fixation tardive du taux de contribution au FPSPP ôte de la visibilité aux entreprises »

Crédit photo V. G.-M.

E & C : Alors, complexe ou pas, la réforme 2009-2010 ?

Jean-Marie Luttringer : C’est un faux sujet. Il faut au contraire faire l’éloge de la complexité… A condition que celle-ci rende l’usage de la formation accessible à tous. La complexité de gestion n’est pas en elle-même un problème. Elle le deviendrait si les objectifs visés ne pouvaient pas être atteints, notamment la construction de parcours pour les individus et les politiques de formation des entreprises en fonction de leurs besoins réels.

Jean-Pierre Willems : Ce qui se passe “sous le capot” (la sectorisation multiple au sein des Opca, les frais de gestion…), l’usager ne s’en soucie pas. C’est le problème des gestionnaires. La question est de savoir si le dispositif sera meilleur qu’avant. S’agissant des parcours, il est un peu tôt pour savoir s’ils pourront se développer. On constate cependant que les appels à projets du FPSPP restent centrés sur les dispositifs – le CIF-CDI, le CIF-CDD, la professionnalisation, etc. – et que la mise en route du partenariat avec Pôle emploi est lente. Pour le moment, on ne voit pas disparaître les fameux tuyaux d’orgues.

E & C : Certaines dispositions comme le “13 % FPSPP” ont cependant un impact direct sur la politique de formation des entreprises.

J.-P. W. : La fixation tardive, tous les ans, du taux de contribution au FPSPP ôte de la visibilité aux entreprises et aux Opca. Cette contribution peut tout de même représenter quelques dizaines et parfois quelques centaines de milliers d’euros. C’est une zone d’aléa importante pour les entreprises qui ont du mal à budgéter leur politique de formation. Tant que le taux n’est pas fixé, les branches ne peuvent pas non plus décider de la répartition de la contribution entre la professionnalisation et le plan. Le calendrier des décideurs n’a pas tenu compte de celui des acteurs de terrain.

La question des financements externes au coup par coup (les appels à projets du FPSPP) n’est cependant pas anodine pour une entreprise qui doit se poser la question de mettre en place et financer des politiques pérennes à partir de financements externes qui peuvent être ponctuels. Cela pose plus globalement la question du type de partenariat entre entreprise et Opca : l’objectif est-il l’accompagnement durable du développement de la formation ou une politique d’actions prioritaires susceptibles d’évoluer tous les ans ?

J.-M. L. : C’est une complexité temporaire, inhérente à tous les processus de changement dans les organisations. La complexité est ailleurs, dans la dialectique mal maîtrisée des sources conventionnelles, législatives et réglementaires du droit de la formation, particulièrement dans cette réforme. Elle est renforcée par le fait que l’Etat ne respecte pas sa parole en décidant de prélever 300 millions d’euros sur le FPSPP, après avoir donné son accord sur l’affectation de ses ressources. Par ailleurs, pour débattre des questions de formation professionnelle, l’administration semble se replier davantage sur un rôle de contrôle que d’impulsion.

E & C : Les regroupements d’Opca liés au seuil minimal de 100 millions d’euros vont donner naissance à de “grosses machines”. N’y voyez vous pas un risque de complexité ?

J.-P. W. : Il faudra veiller aux effets bureaucratiques liés à la taille des nouveaux Opca. Mais, s’ils allègent les process, dématérialisent les procédures, se donnent les moyens d’accompagner au plus près de leurs besoins les entreprises et les salariés, le regroupement permettra de gagner en efficacité.

J.-M. L. : A condition également que l’impulsion donnée par la négociation de branche demeure une réalité et que le rôle des Opca ne se réduise pas à celui d’auxiliaires du fisc !

E & C : Finalement, que chan­ge cette réforme ?

J.-M. L. & J.-P. W. : Pour les entreprises, pas grand chose. Le plan reste le plan, le DIF et le contrat de professionnalisation de même, ainsi que la consultation du comité d’entreprise à quelques détails près. Le seul changement notable réside dans la contribution de solidarité, de “13 %” cette année.

En réalité, pour les entreprises, la véritable réforme ne se trouve pas dans la dernière loi mais dans la jurisprudence : c’est l’obligation d’adaptation à la charge des employeurs. On se rapproche de leurs obligations liées à la sécurité et à la santé des salariés. Voilà des évolutions majeures qui méritent bien le nom de réforme ! Elles renvoient à une meilleure maîtrise du risque d’inemployabilité par la mise en place de procédures telles que des bilans, des entretiens professionnels, une coconstruction du DIF…

Auteur

  • V. G.-M.