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Les pratiques

Québec Des sentinelles pour prévenir les suicides

Les pratiques | publié le : 26.10.2010 | LUDOVIC HIRTZMANN

Les Québécois ont créé des sentinelles antisuicides en entreprise, chargées de repérer les salariés susceptibles d’attenter à leurs jours. Elles sont opérationnelles dans une grande partie des sociétés de La Belle Province.

« Les sentinelles peuvent repérer, guider et orienter la personne confrontée à la problématique du suicide ainsi que son entourage. On demande à la sentinelle de faire preuve de vigilance, d’écoute et de réceptivité. » C’est ainsi que les services du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec définissent la sentinelle chargée de lutter contre le suicide dans les sociétés.

Si le gouvernement québécois a créé le programme des sentinelles dès 1998, ce n’est qu’au milieu des années 2000 que ce dernier a vraiment pris son essort. A partir du moment où le Québec a mis en œuvre la prévention du suicide comme un objectif de santé publique, le nombre de personnes qui se sont ôté la vie a baissé de plus de 4 % chaque année.

Estimation de l’urgence suicidaire

Pour autant, le DG de l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS), Bruno Marchand, se refuse à donner des chiffres sur le suicide en milieu de travail. « Il est très dur de dire lors d’un suicide quelle est la part liée au travail et la part liée à la vie personnelle. » La sentinelle est un salarié de l’entreprise, bénévole, dont le rôle n’est pas d’intervenir ou de guérir. « L’entreprise est le lieu le plus facile pour toucher les 35-50 ans, qui ont le taux de suicide le plus important depuis plusieurs années », note le directeur de l’AQPS. Le concept des sentinelles est d’autant plus pertinent que, selon une étude menée par le ministère de la Santé du Canada, 9 personnes sur 10 qui tentent de se suicider en parlent auparavant à un proche. « La sentinelle agit comme une vigie dans le milieu de travail. Elle estime l’urgence suicidaire », confie Bruno Marchand.

Les programmes sentinelles sont adaptés à chaque région du Québec, en fonction des problématiques propres à chacune. Les bénévoles, triés sur le volet, doivent être en parfaite santé mentale. Ils reçoivent une formation, renouvelée chaque année, et dont l’entreprise assume les coûts. Chaque sentinelle exerce son activité en moyenne pendant deux à cinq ans. « On est un peu comme des anges gardiens », déclarait récemment au Journal de Québec Gina Perreault, sentinelle au syndicat des fonctionnaires municipaux de Québec. De petits garages ou de grandes chaînes, comme le géant du café Tim Hortons, ont adopté le programme sentinelle. Une PME de 20 personnes aura trois sentinelles. Une grande entreprise pourra en aligner des dizaines. Pour la population active de la ville de Québec (500 000 habitants), on compterait environ 700 sentinelles.

Niveau de stress plus faible

Le Pdg de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, Florent Francoeur, insiste sur la nécessité de prendre la mesure du contexte de travail québécois, différent de celui de la France : « Il n’existe pas de France Télécom au Québec. Nos entreprises sont beaucoup plus petites : ici, 97 % d’entre elles comptent moins de cinq salariés. L’échelle est différente de celle des Etats-Unis ou de la France. » Si les travailleurs québécois ne disposent que de deux semaines de vacances légales et souvent d’une troisième semaine de congés sans solde, le niveau de stress paraît moins important. Les horaires de travail sont plus légers, avec une journée de sept ou huit heures qui se termine, même pour les cadres supérieurs, vers 16 h 30 ou 17 heures, heure à laquelle les habitants de la Belle Province vont souper.

En guise de conseils aux décideurs français, Bruno Marchand conclut : « L’employeur doit refuser le suicide. Il doit refuser de le considérer comme une fatalité. En créant un environnement de travail agréable, ses employés seront heureux et ils contribueront au succès de l’entreprise. »

Auteur

  • LUDOVIC HIRTZMANN