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Enquête

« Il faut faire respecter les obligations des entreprises plutôt que de les assouplir »

Enquête | L’entretien avec | publié le : 26.10.2010 | EMMANUEL FRANCK

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« Il faut faire respecter les obligations des entreprises plutôt que de les assouplir »

Crédit photo EMMANUEL FRANCK

E & C : Que pensez-vous de la proposition de loi prônant un quota de femmes dans les conseils d’administration (CA)?

R.S. : J’y suis favorable. En effet, je ne pense pas que la suppression du plafond de verre – un élément symboliquement fort de l’inégalité entre les femmes et les hommes – se fera naturellement. De plus, cette mesure va contribuer à la transparence des critères d’accès, aux CA et relancer le débat sur la place des femmes dans notre société.

Cependant, cette loi ne porte pas sur toutes les instances de direction des entreprises, qui ne sont pas du tout mixtes non plus. Et surtout, elle ne doit pas faire oublier l’essentiel : la précarité au féminin, le temps partiel subi et les inégalités salariales.

E & C : Justement, un article de la réforme des retraites annule l’objectif de suppression des écarts de salaires d’ici à fin 2010…

R.S. : Plus personne ne parle en effet de l’échéance de 2010 prévue par la loi de mars 2006 : la suppression des écarts de rémunérations. On propose des quotas de femmes dans les CA, on introduit dans la réforme des retraites un article sur l’égalité professionnelle et l’on oublie l’essentiel : l’écart des salaires…

Eric Woerth l’admet lui-même lorsqu’il explique le plus faible niveau des retraites des femmes par celui de leurs salaires. Il a raison ! Alors pourquoi ne pas faire respecter les obligations en la matière plutôt que de les assouplir ?

Certes, il y aura désormais une sanction financière pour les entreprises qui ne satisfont pas certaines obligations. Mais elle sera au maximum de 1 % de la masse salariale et variable. De plus, l’Etat n’a pas les moyens d’appliquer ces sanctions dans chaque entreprise, comme l’a montré le rapport Grésy (2). On peut toujours espérer des décrets d’application plus contraignants, mais je suis sceptique.

Enfin, les entreprises auraient désormais la possibilité de produire un plan unilatéral à la place d’un accord. Sachant que les mesures correctives sérieuses ont un coût, je vois mal pourquoi les directions s’engageraient spontanément, si elles n’ont pas un interlocuteur syndical pour les y inciter.

E & C : Irréaliste, la loi de mars 2006 n’était-elle pas vouée à l’échec ?

R.S. : Nous savions tous que les écarts ne seraient pas “supprimés” en quatre ans, pourtant, le bilan de la loi n’est pas que négatif : il n’y a jamais eu autant d’accords égalité signés dans les branches et dans les entreprises, même si on était encore loin du compte.

Je crains que cet élan ne soit ralenti par un brouillage des discours gouvernementaux.

(1) Coauteure, avec Séverine Lemière, de Comparer les emplois entre les femmes et les hommes : de nouvelles pistes vers l’égalité salariale, Halde, La Documentation française, 2010.

(2) Rapport préparatoire à la concertation avec les partenaires sociaux sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, juillet 2009.

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK