Le 15 novembre prochain, 29 femmes salariées d’Auchan ont publiquement annoncé, devant un parterre de responsables du groupe, leur ambition d’accéder à un poste de dirigeant. A la direction générale et à la DRH de prendre acte. Cette démonstration, inhabituelle, fait partie de la journée de clôture d’un programme anti-“plafond de verre”, initié à l’hiver 2008.

Le groupe de distribution fait face, à cette époque, à une contradiction soulevée par le directeur général France : seulement 5 femmes (4 %) sont à la tête d’un magasin sur les 116 hypermarchés de l’enseigne – toutes salariées car Auchan ne compte pas de franchisés. Encore moins sont membres d’une direction générale (DRH, directeur opérationnel d’une région, directeur marketing…), alors même qu’il y a des prétendantes à ces postes.

« Nous venions de mener une enquête interne sur les souhaits d’évolution des salariés et du métier qu’ils visaient : 4 % des femmes ambitionnaient la direction d’un magasin (contre 10 % d’hommes). Ce taux peu important représentait néanmoins 70 répondantes », commente Laurence Fornari, responsable diversité d’Auchan France. Or Auchan est à la recherche de nouveaux profils pour son développement, et, par ailleurs, veut être davantage à l’image de ses clients et de ses salariés.

Pourquoi un tel décalage ? La faute aux femmes qui ne se manifestent pas, à l’organisation de la fonction, mal adaptée à leurs contraintes, ou à l’entreprise qui ne sait pas les détecter ? « Sans doute un peu tout cela », admet la responsable diversité. D’où le déploiement en avril 2009 d’une politique de rattrapage fondée sur deux objectifs : aider au développement professionnel des intéressées, en accord avec leur projet de vie, et transformer l’entreprise pour qu’elle facilite l’accès des femmes aux postes de direction.

L’idée est de constituer des « promotions à partir de salariées détectées par les DRH et les directeurs régionaux », explique Laurence Fornari. Seuls critères de sélection : la personne ambitionne cette évolution et elle est déjà membre d’un comité de direction, mais n’en est pas directrice. La première promotion compte ainsi 27 femmes âgées de 27 à 56 ans, dont 5 ont vécu une maternité pendant ou après le programme.

Ce dernier se déroule sur neuf mois. « Il démarre par une rencontre avec la sociologue Jacqueline Laufer, qui expose aux participantes l’évolution de la position des femmes dans la société et dans l’entreprise, suivie par trois jours de coaching afin de les aider à décrire leur projet professionnel, en articulation avec leur vie personnelle actuelle ou à venir », détaille Laurence Fornari. À l’appui : le retour d’expériences de dirigeantes du groupe, livrant tant leurs satisfactions que leurs regrets, et une sorte de 360° revisité, mettant à contribution les collègues, les supérieurs hiérarchiques mais aussi les époux et les amis. S’y ajoutent des formations plus classiques sur le leadership, la relation au pouvoir, à l’argent.

Le programme se termine par un travail en petits groupes sur différentes thématiques soumises par la direction générale. La promotion 2010, la deuxième du genre, a par exemple planché sur l’intérêt du mentorat à Auchan et sur les idées reçues concernant le personnel féminin « trop sensible », « pas assez disponible » et « moins autoritaire ».

La promotion a aussi été chargée de mettre en place au sein du groupe un réseau de femmes, qui sera lancé officiellement le 15 novembre. Premières intéressées : les 27 de la promotion 2009, dont certaines ont d’ores et déjà gravi les échelons. Ainsi, 12 ont eu une promotion ; 2 sont passées par un assessment center ; une, qui visait le poste de directrice de centrale d’achats, est devenue acheteuse. Certaines, qui visaient une direction de magasin d’ici à cinq ans, ont choisi de consolider leur expertise sur leur métier.

• Activité : grande distribution.

• Effectif : 50 000 CDI.

• Chiffre d’affaires 2009 : 14,9 milliards d’euros.