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Administratrices : les chasseurs de têtes aux aguets

Enquête | publié le : 26.10.2010 | VÉRONIQUE VIGNE-LEPAGE

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Administratrices : les chasseurs de têtes aux aguets

Crédit photo VÉRONIQUE VIGNE-LEPAGE

La proposition de loi Copé sur la parité dans les conseils d’administration, discutée au Sénat le 27 octobre, ouvre un marché étroit aux cabinets de recrutement spécialisés. En revanche, les chasseurs de têtes semblent penser que ce texte peut avoir un impact sur toutes leurs missions.

« Une meilleure mixité de la composition des conseils d’administration ou de surveillance des sociétés anonymes cotées. » Voilà la principale disposition prévue par la proposition de loi déposée par Jean-François Copé, qui sera discutée au Sénat le 27 octobre. Elle se concrétiserait par un quota, qui pourrait être de 20 % dans un délai de trois ans, puis de 40 % d’ici à six ans.

Le texte rappelle l’ampleur du déficit : 10 % de femmes dans les conseils des sociétés du CAC 40 et 8 % dans ceux des 500 premières entreprises françaises. « Il y a donc 1 100 femmes à trouver dans les cinq prochaines années », estime Caroline Weber, directrice générale de Middlenext, association professionnelle représentant les valeurs moyennes cotées sur Euronext et Alternext.

Une évolution lente mais significative

Une “aubaine” pour les cabinets de chasse de têtes ? « Cette loi n’aura pas un impact quanti-tatif décisif sur l’activité des cabinets, répond Catherine de Verdière, vice-présidente du Syntec conseil en recrutement, sauf peut-être pour ceux qui font au moins 10 % de leur chiffre d’affaires dans la recherche d’administrateurs. »

C’est le cas du cabinet Russel Reynolds Associates, qui dépasse déjà ce seuil, et pense « monter à 12 % ou 15 %, soit une douzaine ou une quinzaine de missions chaque année sur plus de 100, assure Henri de Montebello, consultant associé. Ces chiffres ne sont pas spectaculaires mais, il y a quatre ou cinq ans, nous n’avions aucune mission de ce type ». Le cabinet, qui a réalisé une étude sur ce nouveau marché, a observé une progression de 44 % (de 44 femmes à 89) des nominations d’administratrices aux conseils d’administration des entreprises du CAC 40 entre fin 2009 et septembre 2010, hors administratrices élues par les salariés. « Le mouvement n’a pas encore été suivi par le SBF 120 », indice significatif de l’ensemble des valeurs boursières françaises.

En majorité des étrangères

Trois sur cinq des nouvelles venues dans les conseils en 2010 sont des étrangères, assure l’étude. « Eh oui, lance Caroline Weber avec ironie, une femme étrangère indépendante compte triple ! » : une seule et même personne permet à l’entreprise de répondre aux diverses exigences d’ouverture des instances de décision. « Cela peut aussi correspondre à un investissement important dans un pays », remarque Henri de Montebello.

Les candidatures spontanées étant encore minoritaires, le cabinet a doté sa base de données d’une section spécifique pour les femmes de plus de 50 ans parlant français (c’est souvent le premier obstacle), et ayant l’expérience et le potentiel nécessaires. Il a aussi développé les échanges d’informations entre ses bureaux dans le monde et formé à la législation ses consultants spécialisés.

Peu de cabinets ont fait de la recherche d’administrateurs une spécialité : « Comme ces nominations se font souvent par cooptation, ce n’est qu’un petit marché », assure François Humblot, président de Grant Alexander Executive Search. Mais il se félicite de cette « bonne nouvelle sur le plan sociétal », qui devrait, confirme Catherine de Verdière, « faire évoluer les mentalités » pour les recrutements aux postes clés, puis à tous les niveaux.

Cette « dynamique sur toute la pyramide de sélection » permet à Philippe Cavat, DG de DDI France, de « tabler sur une croissance de 20 % par an » de son activité. Comme nombre de cabinets de chasse de têtes, il voit ainsi s’élargir le vivier de candidats : « J’ai toujours été convaincu que les entreprises gèrent mal la diversité des talents, assure Philippe Cavat, mais jusqu’à présent, on prêchait un peu dans le désert. Le fait que, traditionnellement, les entreprises aient été dirigées par des hommes, de mêmes âges et issus des mêmes écoles, a bloqué l’objectivité des processus de sélection au détriment des femmes. »

Equité des promotions internes

« Les femmes administratrices vont être plus vigilantes à l’équité dans les promotions internes », estime François Humblot. Cependant, Catherine de Verdière pointe une difficulté négligée par le projet de loi : « Nous ne pouvons pas proposer uniquement des femmes à un client, sauf à faire de la discrimination. » Du coup les cabinets proposent des CV de femmes et d’hommes.

Un groupe de travail “gouvernance et diversité dans les CA”, réuni en 2008 par l’Institut français des administrateurs et auquel a participé Philippe Cavat, réfute la discrimination positive. Il conseille plutôt de « professionnaliser les processus de recrutement des administrateurs, afin d’encourager la prise en compte systématique de candidatures sortant du cercle traditionnel. »

Autres préconisations : « Utiliser les CA de filiales et des entreprises partenaires comme tremplins » ou encore le « mentoring ». Des pratiques déjà mises en œuvre par certains, qui veulent peut-être maîtriser ce que sera cet administrateur d’un nouveau… genre.

Auteur

  • VÉRONIQUE VIGNE-LEPAGE