David Mélo, Les Presses de Sciences Po, 160 pages, 15 euros.
Dans la conjoncture née de la crise financière de 2008, les salariés en contrat à durée indéterminée ont été relativement protégés par rapport à ceux en CDD ou sous contrats précaires. Cependant, les conditions de travail des CDI ont eu tendance à se détériorer, notamment parce que réduction de personnel signifie intensification du travail. Les salariés, bien que profondément bousculés par les difficultés économiques, jouent le jeu, pour la plupart afin de préserver l’activité, mais aussi par loyauté. Cette loyauté, bien réelle, est pourtant faite de paradoxes : d’un côté, ils s’approprient les principes du management, de l’autre, ils les critiquent durement. Et cette distance critique fait partie de leur engagement. Mais les indices du désarroi des salariés stables se sont accumulés. On l’a souvent répété, cette fragilisation est d’autant plus importante que les nouveaux modes de management et l’individualisation croissante ont sapé les bases des collectifs et des solidarités qui permettaient de lutter collectivement. Là où les décennies précédentes voyaient les salariés organiser des grèves sous la houlette syndicale pour défendre les conditions de travail, ceux d’aujourd’hui ont davantage tendance à courber l’échine. Or, quand la situation devient désespérée, ils sont capables de se livrer à de véritables violences contre les personnes ou les biens. Cette incohérence est peut-être en germe dans l’organisation de l’entreprise elle-même, devenue de moins en moins lisible.
Pour David Mélo, il faudrait d’autant moins ignorer ce malaise que l’entreprise de demain, bon an mal an, devra reconstruire sa performance à partir de ce noyau dur de fidèles qu’il serait maladroit de pousser à la désespérance.
David Mélo est maître de conférences en sociologie à l’université d’Orléans.
