En pleine mobilisation contre la réforme des retraites, Entreprise & Personnel s’est livré, le 15 octobre, au difficile exercice de la publication de sa note annuelle de conjoncture sociale. Alors que les manifestations de la semaine dernière ont été plus importantes que les précédentes et que les lycéens ont rejoint le mouvement, Jean-Pierre Basilien, le principal auteur de la note, maintient que « l’évolution vers un scénario de crise comme en 1995, dans les prochains mois, est peu probable ». Pour lui, « l’élargissement du mouvement a trouvé ses limites ». Il en veut pour preuve le choix des organisations syndicales d’appeler, plutôt qu’à une grève générale peu réaliste, à des grèves reconductibles « qui vont s’essouffler ».

Certes, les jeunes se mobilisent, mais « les organisations syndicales ne veulent pas s’engager dans cette aventure ». Reste alors un « scénario noir », qui verrait « un amalgame confus de mécontentements différents ». Celui-ci est cependant « peu probable ». Une issue est donc possible, à condition de ne pas « humilier les syndicats ».

Comme il n’y a pas, dans les dossiers des prochains mois, d’autres « détonateurs aussi puissants que les retraites », la sanction de la majorité « se fera d’abord dans les urnes, et non dans la rue ». C’est dans ce contexte social « pesant » que les entreprises vont devoir s’adapter à la réforme des retraites, tout en travaillant leur communication interne et l’équité des rémunérations.

L’allongement réel de la durée d’activité va réduire le nombre de postes libérés, ralentissant les évolutions de carrière, ce qui pourrait provoquer la démotivation « des générations à qui on a vendu des carrières rapides ». Entreprise & Personnel appelle également la DRH à la vigilance sur le rééquilibrage des rémunérations entre les seniors et les autres salariés.

Ces éléments peuvent-ils contribuer à des tensions intergénérationnelles ? La note n’y répond pas. Jean-Pierre Basilien ne manque pas cependant de rappeler que la réforme des retraites « ne fait pas porter d’effort de solidarité sur les aînés, alors que c’eût été légitime vis-à-vis des jeunes générations ».

L’association pointe également les impacts financiers directs ou indirects de la réforme (augmentation des indemnités de fin de carrière, majoration des dispositifs de fin d’activité…), qui vont inciter les entreprises à rechercher des dispositifs de fin de carrière moins coûteux, comme le temps partiel… à moins qu’elles ne préfèrent la rupture conventionnelle.

La deuxième priorité identifiée par Entreprise & Personnel est la communication interne : « La cohérence des messages n’apparaît plus du fait d’une juxtaposition d’informations. » Pour les salariés, il est ainsi difficile de trouver une cohérence entre l’annonce de bons résultats et la rigueur salariale. Sans donner de pistes particulières, Entreprise & Personnel estime que la communication interne doit se réinventer.

Enfin, l’association pointe une sensibilité toujours aussi forte des salariés sur l’équité des rémunérations. En cause, pas seulement les salaires des dirigeants, mais les fondements même des dispositifs qui créent les différences. « L’émergence de la notion de performance sociale est une piste prometteuse pour avancer sur ces sujets », conclut Entreprise & Personnel.