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Enquête

La jurisprudence affirme le pouvoir du CHSCT

Enquête | publié le : 19.10.2010 | V. L.

Depuis le fameux arrêt Mornay rendu en 2007, les juges ne cessent d’intervenir dans le sens d’un renforcement des prérogatives du CHSCT. Les juges d’instance et d’appel confortent cette position dans de nombreuses affaires.

Depuis plusieurs années, la jurisprudence consolide le rôle du CHSCT, avec des décisions qui consacrent ses compétences sur des dossiers ou des publics multiples. A ce titre, l’arrêt Mornay du 28 novembre 2007 fait partie des décisions qui ont consacré l’émergence du CHSCT comme l’un des interlocuteurs incontournables des directions qui souhaitent mettre en œuvre de nouveaux dispositifs de management, en l’occurrence l’évaluation des salariés. La Cour de cassation indique en effet que, compte tenu des répercussions possibles de la mise en place d’entretiens d’évaluation sur les conditions de travail, l’employeur est tenu au préalable de consulter cette instance. « Les modalités et les enjeux des entretiens étaient manifestement de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail », justifie-t-elle.

Obligation de sécurité

La Cour va encore plus loin avec l’arrêt Snecma du 5 mars 2008, qui renforce l’obligation de sécurité de résultat et limite le pouvoir de direction de l’employeur. « L’employeur est tenu, à l’égard de son personnel, à une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs ; il lui est interdit, dans l’exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés », énonce la Cour.

Elle ordonne la suspension du projet de réorganisation du temps de travail, qui aboutissait à l’isolement d’un technicien chargé d’assurer seul la surveillance et la maintenance de jour. Le CHSCT, qui avait émis un avis défavorable, avait également mandaté une expertise. La direction avait passé outre mais les juges l’ont rappelée à l’ordre.

Dans un arrêt du 30 juin 2010, la Cour de cassation indique qu’un projet de regroupement sur un même site d’un service réparti sur plusieurs sites constitue une décision d’aménagement « important » et qu’en l’absence d’un CHSCT unique, la consultation de tous les CHSCT territorialement compétents pour les différents sites était nécessaire. Elle précise aussi que « le nombre de salariés concernés ne détermine pas à lui seul l’importance du projet ».*

Dans un arrêt du 22 septembre 2010, la Cour de cassation estime que les intérimaires de la société Manpower devaient être représentés au sein des CHSCT avec les salariés permanents. Cette pratique existait déjà dans l’entreprise mais la direction avait voulu la faire évoluer.

Des élus fondés à agir en justice

Des jugements d’instance ou d’appel très récents confortent cette lecture du rôle du CHSCT, et les élus se sentent plus fondés qu’auparavant à agir en justice, notamment pour contester des systèmes d’évaluation. A la Société générale, par exemple, il aura fallu deux jours de consultation du CHSCT Granite-Pacific-Kupka-Le Cap (immeubles de bureaux de La Défense), les 6 et 7 octobre derniers, pour que finalement les élus refusent de voter leur avis, estimant que la direction ne répondait pas à leurs questions. « Nous nous réservons le droit de voter un délit d’entrave pour dénoncer un système que nous jugeons dangereux pour la santé des salariés », menace Rodolphe Donne, élu du CHSCT et délégué syndical CFDT. La direction avait déjà assigné le CHSCT au tribunal, dénonçant sa compétence pour étudier ce projet qui concerne l’ensemble de l’entreprise. Le TGI de Nanterre a débouté l’entreprise, le 19 février 2010, et ordonné la suspension de la mise en œuvre du nouveau système d’évaluation pour les salariés relevant de la compétence géographique du CHSCT. En outre, les juges ont souligné que « le nouveau dispositif donnait une importance particulière aux objectifs de développement comportemental, qui sont particulièrement subjectifs […] ; un tel mécanisme est de nature à accroître la pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail ». Décision confirmée par la cour d’appel de Versailles le 8 septembre, les juges soulignant que les CHSCT locaux étaient fondés à agir en l’absence d’une telle instance au niveau national. D’autres procédures locales sont d’ailleurs en cours.

Licéité du système d’évaluation

De son côté, le CHSCT de General Electric Medical Systems attend de pied ferme la décision qui devrait être rendue le 28 octobre prochain concernant la licéité du système d’évaluation de l’entreprise (lire Entreprise & Carrières n° 1008 et n° 1010). Avec les syndicats CGT et FO, il conteste des critères « majoritairement fondés sur le comportement », selon leur avocat, David Metin.

La direction revendique d’avoir déjà intégré des modifications, pour « plus d’objectivité et de transparence ». Les juges trancheront.

* Commentaire de Laurence Pécaut-Rivolier, magistrat à la Cour de cassation, dans Droit social (septembre-octobre 2010), décision du 30 juin 2010, CHSCT France Télécom.

Auteur

  • V. L.