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En sortie de crise, les constructeurs français parient sur la flexibilité

L’actualité | publié le : 05.10.2010 | CHRISTIAN ROBISCHON, GUILLAUME LE NAGARD

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En sortie de crise, les constructeurs français parient sur la flexibilité

Crédit photo CHRISTIAN ROBISCHON, GUILLAUME LE NAGARD

Accord de flexibilisation du travail de nuit chez PSA, épargne temps et mobilité accrue chez Renault… : les constructeurs français cherchent des marges de souplesse pour redémarrer en douceur, après avoir mobilisé massivement le chômage partiel. Un défi pour l’organisation du travail.

La bonne humeur des constructeurs a frappé les premiers visiteurs du Salon de l’auto de Paris, qui se poursuivra jusqu’au 17 octobre. Rien à voir avec les mines défaites du précédent, en 2008, au démarrage de la crise financière. Et, si le Vieux Continent participe moins à ce redémarrage que l’Asie, les ouvriers d’Europe de l’Ouest fabriqueront 400 000 véhicules de plus qu’en 2009. Pour les sites français, après les vastes plans de départs mis en œuvre ces dernières années, il faut faire face à cette petite accélération de production.

C’est ainsi que PSA-Peugeot-Citroën recommence à embaucher avec 2 000 recrutements en CDI d’ici à la fin de l’année dans ses sites de l’Hexagone, dont 1 150 pour des postes d’opérateurs de production. Si elle ne compense évidemment pas les 12 500 départs volontaires cumulés les trois années précédentes, la décision marque un retour de balancier après la multiplication des périodes de chômage partiel sur des chaînes de production mises temporairement à l’arrêt. « Malgré l’incertitude liée à l’extinction des primes à la casse en Europe, nous adressons ce signal de confiance », commente la direction de PSA.

Intérim et travail le samedi

Mais ce retour des CDI va de pair avec une recherche accrue de flexibilité. L’ensemble du secteur veut ainsi répondre aux aléas du marché et à la situation de surcapacité des usines françaises, alors qu’une grande partie de la production des petites voitures a été délocalisée en Europe de l’Est.

PSA consigne cette nouvelle donne flexible dans un accord soumis ces jours-ci au vote des syndicats. A côté de l’intérim (6 000 personnes en France pour 80 000 salariés permanents, dont 55 000 en production) et du travail supplémentaire du samedi, ce texte ajoutera une nouvelle marge de flexibilité avec l’équipe de nuit à durée variable. Son principe : constituer un volant de salariés volontaires prêts à venir travailler un nombre d’heures différent d’une nuit à l’autre… ou à rester chez soi, selon l’évolution de la demande de voitures. « De telles équipes ont vocation à être le premier levier de réponse à un surcroît d’activité », indique Philippe Dorge, directeur des relations sociales de PSA. L’accord-cadre fixe à toutes les usines un plancher de 4 heures par nuit et de 22 heures par semaine. Mais chaque site pourra relever le seuil et décider de constituer l’équipe ou non. « La formule peut convenir à des salariés âgés, fatigués, auxquels elle apporterait de fait un aménagement du temps de travail », estime Christian Lafaye, délégué central FO. Du travail de nuit, PSA en pratique déjà, mais à durée fixe de sept heures, ce qui sera maintenu. « Mais ce nouveau dispositif procure un supplément de souplesse par rapport à la version classique qui amène à monter une équipe, à la démonter, puis à en remonter une autre, etc. voire à créer des demi-équipes », précise Philippe Dorge.

Recrutement en CDD

Conçue pour être identique en taille aux équipes de nuit classiques, soit 800 personnes l’unité, l’innovation introduit une différence dans le statut des embauches qu’elle générera : les recrutés ne seront pas en intérim, mais en CDD ayant vocation à se transformer en CDI au bout d’un an. Ces embauches fermes s’ajouteront aux 2 000 en cours. La rémunération sera garantie au minimum sur la base du plancher horaire (22 heures hebdomadaires si l’on s’en tient à l’accord-cadre) mais, du fait du temps partiel, le dépassement sera versé en heures complémentaires, ce qui est synonyme de moindres majorations. Pour améliorer le salaire effectif, les syndicats vont pousser à relever le plancher horaire sur les sites. La CFDT devrait signer l’accord-cadre, notamment « parce qu’il redonne de la place à la négociation locale », indique son délégué central Ricardo Madeira. Au final, seule la CGT devrait s’abstenir de signer. « Le texte fait payer aux salariés l’inflexibilité des outils de production. Et si on introduit un tel dispositif la nuit, pourquoi pas en faire de même avec les équipes de jour ? », souligne Bruno Lemerle, délégué CGT à Sochaux.

Avec le renouvellement de ses modèles, et un redémarrage des ventes, Renault cherche lui aussi de la souplesse. Douai fonctionne de nouveau en deux équipes pour produire la nouvelle Megane ; Flins prévoit des heures supplémentaires pour la Clio qui a profité de la prime à la casse, et les sites d’utilitaires de Maubeuge et Batilly font passer la semaine à six jours avec horaires allongés pour deux équipes.

Après la flexibilité à la baisse, obtenue avec le départ de milliers d’intérimaires et un chômage partiel indemnisé à 90 % ou plus, trouver des marges de souplesse à la hausse n’est pas simple.

« Sous couvert de crise, la direction a testé de nouvelles formes de flexibilité », dénonce Fabien Gache, délégué CGT de Renault. Et de rappeler que le groupe a été condamné par deux fois à Douai pour le compte épargne temps mis en place avec des compteurs de temps potentiellement négatifs. Ils permettent de cumuler des jours de travail en période haute, mais aussi de rendre un salarié débiteur de jours à travailler lors des périodes basses. Ces CET dépassaient la période de référence d’un an et, avec la crise, certains salariés se sont retrouvés avec un compte négatif de 65 jours dus à l’employeur. Sommé une première fois de mettre les compteurs à zéro chaque année, Renault avait du coup annulé les jours de bonus accumulés par d’autres salariés.

Du “stop and go”

Le syndicaliste évoque aussi une forme de “stop and go” accentuée, se traduisant par la succession de périodes de chômage partiel et de travail plus intense ou par des mobilités entre sites du groupe : « Certains salariés en CDI me disent qu’ils sont en mode intérimaire avec une charge de travail, voire un poste différents d’une semaine à l’autre. Ce sont des conditions difficiles, les taux de gravité des accidents du travail, les passages à l’infirmerie ou les TMS sont en augmentation. » Renault s’emploie pourtant depuis plusieurs années à multiplier les postes “doux”. « Ils le seraient véritablement en condition de production normale », estime Fabien Gache.

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  • CHRISTIAN ROBISCHON, GUILLAUME LE NAGARD