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Entre protection et dépendance

Enquête | publié le : 05.10.2010 | PASCALE BRAUN

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Entre protection et dépendance

Crédit photo PASCALE BRAUN

Smart France a installé ses sept principaux sous-traitants à demeure. Son modèle est protecteur, mais il place les “partenaires” dans une dépendance totale vis-à-vis du donneur d’ordre.

Drôle de petite voiture que la Smart, qui a traversé la crise presque sans encombre et s’essouffle alors même que ses concurrents redémarrent ! Filiale de Daimler basée à Hambach (Moselle), Smart France et les sept sous-traitants implantés sur son site n’auront connu qu’une vingtaine de journées de chômage technique. Ils n’ont procédé à aucun licenciement, sans même avoir bénéficié des soutiens bancaires accordés par l’Etat aux constructeurs français. Le positionnement plutôt haut de gamme et la multiplicité des marchés de la petite voiture, vendue dans 41 pays, ont atténué l’impact de la crise.

Vue de Smartville, la crise mondiale de l’automobile aura ainsi présenté moins d’incidences que le “test de l’élan” qui avait compromis le démarrage du site dès son ouverture en 1998. A l’instar de leur unique donneur d’ordre, les sous-traitants de Smart France – les équipementiers Plastal, Magna Châssis, Magna Door, Continental et Thyssenkrupp, et les logisticiens Mosolf et Panopa – sont restés à l’abri des fortes turbulences. « Tous filiales de groupes internationaux, nos partenaires ont moins souffert à Smartville que dans leurs autres implantations nationales ou mondiales. L’étroite imbrication entre les fournisseurs et le constructeur qui caractérise Smart France a fait ses preuves en sécurisant l’ensemble du site », souligne Guy Siebert, directeur logistique de Smart France.

Complexe, le système induit une dépendance réciproque du donneur d’ordre et des sous-traitants. En douze ans, la Smart n’a écarté aucun de ses fournisseurs, qui sont tous restés en place. Seule leur dénomination a parfois changé au gré des tribulations des grands groupes.

Cette stabilité a son revers. « Les sous-traitants de Smart France se trouvent dans la situation de vassaux : ni les murs, ni les machines, ni les outils ne leur appartiennent. En cas de crise, ils ont interdiction de chercher de nouveaux clients et ne peuvent qu’attendre le redémarrage de l’activité de la Smart », témoigne Gilles Hemmerling, président des sections syndicales CFE-CGC du site Smart et délégué syndical chez Plastal France.

Les impératifs du “just in time” obligent les prestataires à se caler sur les décisions de Smart France en matière de congés annuels, d’horaires de travail, de ponts ou de récupération d’heures supplémentaires. Le constructeur donne également le “la” en matière de négociations salariales, aucun prestataire ne se démarquant de la politique fixée par le donneur d’ordre.

Lâcher du lest pour éviter les conflits

Smart France, dont la production se trouverait immédiatement paralysée en cas de grève chez l’un de ses fournisseurs, sait lâcher du lest pour éviter les conflits. En dépit de multiples tensions, le site n’a pas connu de blocage majeur depuis l’automne 1999. A cette occasion, Smartville a constitué un forum social réunissant à intervalles réguliers les dirigeants, les représentants du personnel et les délégués syndicaux de toutes les entreprises présentes sur le site. L’initiative n’a guère perduré plus d’un an. Aujourd’hui, seuls les dirigeants des entreprises sous-traitantes et leurs responsables techniques et logistiques se réunissent mensuellement pour prendre note des consignes du donneur d’ordre.

52 créations d’emplois

Arrivant en fin de parcours, le modèle Fortwo, dont Smart France constitue l’unique producteur, s’essouffle inexorablement. Les ventes sont descendues à quelque 100 000 véhicules par an. En début d’année, Daimler a apporté une bouffée d’oxygène au site mosellan en annonçant l’implantation d’une ligne de production dédiée aux véhicules électriques, puis le choix de Hambach pour assembler le successeur de la Fortwo à l’horizon 2014. Le constructeur engage actuellement un investissement de 18 millions d’euros dans la fabrication à grande échelle du véhicule électrique, et annonce à ce titre la création de 52 emplois, dont 32 chez Smart France et 20 chez les sous-traitants. Ce témoignage de confiance pérennise à la fois le site mosellan et son modèle industriel.

SMART FRANCE

• Activité : constructeur automobile.

• Effectifs de Smartville : 1 600 salariés, dont 800 à Smart France et 800 parmi les sous-traitants.

• Chiffre d’affaires Daimler : 78,9 milliards d’euros en 2009.

Auteur

  • PASCALE BRAUN