Thierry Beinstingel, Fayard, 300 pages, 19 euros.

Il semble que l’organisation scientifique du travail conçue initialement par Taylor pour l’industrie ait été transposée dans les centres d’appels. Même parcellisation des tâches, même absence d’initiative laissée au personnel, même exigence de cadence pour optimiser la productivité.

Quand il est embauché sur une plateforme d’accueil téléphonique, Eric, le narrateur du roman, qui, avant son licenciement, travaillait comme électricien dans une usine, est donc bien placé pour comparer les deux univers. Malgré un cadre de travail plus confortable et l’assistance de tous les moyens technologiques modernes, la comparaison ne tourne pas à l’avantage de la hot line dans laquelle il opère. Là où son travail antérieur était concret, visible dans son résultat, utile à la collectivité, son nouvel emploi lui paraît déshumanisant et son utilité ne lui saute pas aux yeux.

L’objectif prioritaire est de vendre le maximum de contrats avec un discours formaté, qu’ils répondent ou non aux besoins des utilisateurs. Eric note également les dommages collatéraux de ce type de travail sur les collègues de l’entreprise : dépressions, accidents cardiaques et suicides dont la presse se fait l’écho. En interne, le déni des conséquences mortifères de leur tâche permet aux autres salariés de tenir le coup. Eric, quant à lui, se remet au jogging et entre en contact personnel avec un client pour garder le lien avec le réel. Les mots, les vrais, sauvages, lui permettront alors de ne pas perdre l’équilibre.

Thierry Beinstingel est cadre dans les télécommunications et auteur de romans ayant pour cadre l’entreprise.