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Les pratiques

Placement privé ne rime pas avec efficacité

Les pratiques | Retour sur… | publié le : 28.09.2010 | SARAH DELATTRE

Lancée à grande échelle en 2009, la sous-traitance du placement des demandeurs d’emploi fait désormais partie intégrante du fonctionnement de Pôle emploi. Des expérimentations antérieures ont pourtant donné des résultats mitigés.

C’est un juteux business que Sodie, Ingeus, Manpower et consorts se disputent aujourd’hui. Face à l’envolée du chômage et à une fusion chaotique, Pôle emploi lançait fin mars 2009 plusieurs appels d’offres pour l’accompagnement de 320 000 chômeurs (dont 170 000 de longue durée inscrits en “trajectoire emploi” et 150 000 licenciés économiques).

Estimé à 425 millions d’euros, ce marché, qui court jusqu’en juillet 2011, aiguisait les appétits de 281 candidats.

Avantage au public

Au final, une trentaine d’entre eux se partagent le gâteau. Sodie (groupe Alpha) a raflé 14 lots sur 66, devant Manpower, Arcade Conseil, Randstad, Adecco… Evincé, Ingeus n’a pu s’éviter un plan social, mais a limité la casse en remportant l’été dernier une part du marché concernant l’accompagnement de 70 000 cadres chômeurs.

Un changement de régime radical. Cette sous-traitance à grande échelle est lancée alors qu’une évaluation impartiale donne l’avantage au secteur public. Avant 2009, l’Unédic avait déjà confié aux soins d’opérateurs privés l’accompagnement de 9 700 allocataires en 2005-2006 et de 46 000 allocataires en 2007-2009. Présidée par Claude Seibel, inspecteur général honoraire de l’Insee, et réalisée par l’Ecole d’économie de Paris, l’évaluation, publiée en octobre 2009, comparait l’accompagnement par les opérateurs privés et par l’ANPE. Elle montre que « le programme [d’accompagnement renforcé, NDLR] de l’ANPE a des effets sensiblement plus forts et plus rapides » et souligne que « les opérateurs privés ne contribuent pas à la réduction du nombre de jours passés au chômage sur la première année, alors que, sur un an, le programme de l’ANPE réduit en moyenne de 17 jours le temps passé au chômage ». Dressant le même constat, le très libéral conseil général des Hauts-de-Seine, qui avait confié en 2006 à Ingeus l’insertion professionnelle des RMistes, a pour sa part décidé d’arrêter les frais (lire l’encadré).

Reclassement low cost ?

Toujours sensible politiquement, pareille méthode se justifie différemment. Hier, il s’agissait de faciliter le retour à l’emploi, de réduire la durée d’indemnisation et de gagner en flexibilité en ayant recours à des opérateurs plus souples. Aujourd’hui, l’objectif est de décharger des agents de Pôle emploi submergés de travail. « Le sujet a perdu de sa charge idéologique, estime David Gand, directeur des opérations chez Adecco parcours et emploi. Les relations se sont fluidifiées avec Pôle emploi, nous travaillons en partenariat. »

Si ces activités continuent d’être rentables, elles n’échappent plus à la direction des achats de Pôle emploi et à une concurrence qui fait chuter les prix. Alors que le coût de l’accompagnement avoisinait les 4 300 euros en 2005-2007, il est de 1 636 euros en moyenne pour “trajectoire emploi” et de 2 198 euros en moyenne pour les licenciés économiques. Avec le risque d’aboutir à un reclassement low cost, même si, sur le papier, Pôle emploi rédige un cahier des charges rigoureux. « Les critères qualitatifs comptent pour 60 % dans la sélection, le prix pour 40 %, explique Bernard Nebout, président de Manpower égalité des chances. Le cahier des charges précise par exemple les étapes à suivre, un nombre de chômeurs par conseiller fixé à 50, un entretien hebdomadaire, un suivi post-emploi. »

Pour répondre aux exigences, « Sodie a recruté plus de 300 collaborateurs et ouvert 108 sites dans un délai très court », dixit Estelle Sauvat, directrice générale déléguée.

En septembre dernier, 189 934 demandeurs d’emploi étaient orientés vers les opérateurs privés de placement. Pôle emploi devrait réaliser un bilan fin octobre, un autre en mars. En attendant, ses agents continuent de cornaquer chacun plus de 95 chômeurs. Bien loin des quotas promis par le gouvernement au moment de la fusion.

LES HAUTS-DE-SEINE RETOURNENT À PÔLE EMPLOI

Une expérience jugée trop chère par rapport à son efficacité. Tel est le bilan que dresse le conseil général des Hauts-de-Seine sur le suivi professionnel des RMistes de longue durée par Ingeus sur la période 2006-2010. Quatre ans plus tard, il admet que « la non-atteinte de l’objectif d’accompagnement de 6 500 bénéficiaires du RMI sur une liste initiale de 14 000 est clairement un motif d’insatisfaction ». Seulement 492 bénéficiaires sont restés dans l’emploi au bout de 12 mois, contre un « objectif contractuel de 900 bénéficiaires au minimum ». Coût de l’opération : 18 millions d’euros. Conclusion : « Avec la mise en œuvre du RSA, le département des Hauts-de-Seine pourrait désormais confier le placement principalement à Pôle emploi. » Retour à la case départ.

Auteur

  • SARAH DELATTRE