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« L’Opca est au centre de la relation emploi-formation »

Enquête | L’entretien avec | publié le : 28.09.2010 | V. G.-M.

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« L’Opca est au centre de la relation emploi-formation »

Crédit photo V. G.-M.

E & C : Au regard des différents rapports que vous avez cosignés, la réforme de la collecte (Opca-Opacif, FPSPP) va-t-elle dans le bon sens, selon vous ?

P. D. : Les grandes lignes du rapport de mars 2008 (1) ont été traduites dans l’ANI et la loi de 2009, notamment l’amélioration du service rendu aux PME-TPE et aux salariés. Les Opca-Opacif affirment ainsi leur rôle d’intermédiaires dans la construction d’une stratégie RH et le développement des compétences. Sur les territoires, leur mission de conseil est renforcée.

L’enjeu de la réforme consiste à faire en sorte que tous les Opca puissent être en capacité d’accomplir ces missions. Cela passe nécessairement par un seuil minimal de ressources et une meilleure utilisation des fonds. C’est pour cela que nous avions proposé une méthode de calcul de ce seuil permettant aux Opca d’avoir un service de proximité efficace et une présence dans chaque région.

E & C : Mais ce n’est pas la méthode retenue, c’est le chiffre de 100 millions d’euros qui l’est, ce qui semble avoir occulté les autres critères.

P. D. : En effet, ce seuil retenu par le gouvernement conduit également à réduire le nombre d’Opca. Notre rapport démontre cependant que des structures ayant une surface financière réduite remplissent parfaitement leur rôle de conseil et de proximité dans les territoires où elles sont présentes, et dans les autres territoires en coopérant avec des Opca interprofessionnels. Je pense qu’il serait sage que les agréments des futurs Opca puissent être accordés à des fédérations de “petits” organismes assorties de conventions de coopération avec des Opca couvrant l’ensemble du territoire et permettant ainsi de respecter ce seuil.

E & C : Dans votre rapport Igas-IGF sur “La gestion financière des Opca et du FUP” de novembre 2009 étaient pointées la mauvaise gestion des organismes, des règles comptables obsolètes, l’absence de pilotage du Fonds unique de péréquation, futur Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels… Quel constat faites-vous aujourd’hui ?

P. D. : L’amélioration des outils de gestion et des règles comptables des Opca était une priorité. Elle est en voie de réalisation avec l’élaboration du nouveau plan comptable des Opca. D’autres dispositions de la loi vont contribuer à lever la suspicion qui pèse sur ces organismes : la publication des comptes, la gestion paritaire, les conventions d’objectifs et de moyens triennales entre l’Etat et chaque Opca… Ces COM permettront de s’assurer que les objectifs pluriannuels sont bien atteints et que les coûts de gestion sont justes.

Par ailleurs, la transparence qui est demandée aux Opca dans leurs relations avec les organismes de formation contribuera à assainir le climat.

Enfin, la méthode des appels à projets qui a été retenue pour utiliser les ressources du FPSPP est un autre point positif : elle le place dans une posture d’impulsion et d’animation.

E & C : Cela n’empêche pourtant pas Bercy de menacer le FPSPP d’un prélèvement, alors que l’Etat est cosignataire de la convention qui détermine l’utilisation des ressources du Fonds.

P. D. : Ce prélèvement n’est pas une pratique récente. C’est un usage qui vient de la nature fiscale de la contribution des entreprises depuis sa création en 1971.

Par ailleurs, la présence de l’Etat aux côtés des partenaires sociaux pour décider de l’affectation des ressources du FPSPP trouve une partie de son fondement dans le fait que l’ANI ne couvre pas toutes les entreprises. Le Comité paritaire national de la formation professionnelle (CPNFP), l’organe politique qui met en œuvre l’ANI et dont le bras séculier est le FPSPP, n’exerce pas de compétence sur les entreprises du “hors-champ” (i.e. dont les fédérations patronales ne sont pas adhérentes au Medef, à la CGPME ou à l’UPA, NDLR), alors même que ce secteur contribue lui aussi au FPSPP. La présence de l’Etat est indispensable pour garantir les intérêts de tous, tout comme la loi est universelle.

E & C : Formation et emploi sont indissociables, l’action des Opca en témoigne. Que va changer la réforme de ce point de vue ?

P. D. : Les Opca ont développé un champ d’expertise dans le domaine de la GRH, de l’accompagnement individualisé et même du recrutement : ils l’ont démontré avec le contrat de transition professionnelle (CTP), la convention de reclassement personnalisé (CRP) et désormais avec la préparation opérationnelle à l’emploi (POE). Cette expertise, ils doivent en faire bénéficier Pôle emploi, qui intervient de plus en plus sur le champ des compétences sans avoir l’expérience des Opca et des branches. J’insiste dans mon rapport d’évaluation du CTP et de la CRP de mai 2010 (2) sur la nécessité d’approfondir la connaissance du marché du travail, des mobilités professionnelles et de l’évolution des métiers par une observation territoriale mobilisant tous les partenaires : Direccte, Oref (Observatoires régionaux de l’emploi et de la formation), régions, Opca-Fongecif, Afpa, Pôle emploi.

Par sa connaissance des métiers, des compétences, sa capacité à faire du sur-mesure, l’Opca est au cœur de la relation emploi-formation. Le fait que Pôle emploi et les Opca soient amenés à travailler de plus en plus ensemble responsabilise tout le monde et permet de donner son essor à ce que je nommerais la “théorie de l’initiative”. Depuis l’instauration du congé individuel de formation, de la validation des acquis de l’expérience, du droit individuel à la formation, puis du CTP/CRP et de la POE, le droit positif reconnaît que le salarié est acteur de son parcours professionnel, même si cette autonomie – cette capacité à choisir – suppose une codécision avec l’entreprise, ou avec Pôle emploi dans le cas des demandeurs d’emploi. Cela nécessite, en face, une offre de services de qualité, intégrant ce droit à l’initiative. C’est bien l’enjeu de la réforme.

(1) < http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/084000219/0000.pdf>

(2) < http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/104000381/0000.pdf >

Auteur

  • V. G.-M.