Nathalie Kuperman, Gallimard, 210 pages, 16,90 euros.

Une entreprise à vendre, un repreneur qui ne songe qu’au profit, des licenciements à la chaîne, des salariés qui font le dos rond dans l’angoisse d’être les prochaines victimes… Le tableau, pour être sombre, est maintenant un classique du monde économique bousculé par la tyrannie des marges.

Jusqu’à présent, tout se passait comme si les meilleurs écrivains n’avaient qu’à peine effleuré la réalité du travail, par méconnaissance du monde de l’entreprise ou par la réticence à aborder les sphères âpres du travail quotidien. Le livre de Nathalie Kuperman marquera sans doute un tournant pour son talent à faire du travail un vrai sujet de littérature. L’univers impitoyable de la concurrence économique est analysé à travers le prisme de vies individuelles. Patrick, Ariane, Agathe, Dominique, Muriel et les autres nous bouleversent parce qu’ils ne se réduisent pas au rôle que l’entreprise voudrait leur faire endosser. Pour une fois, les personnages d’un roman d’entreprise ont une vraie consistance. Ils sont, conformément à son titre, des « êtres vivants ».

Quand le collectif s’effrite, ces êtres vivants là semblent mis à nus, dépouillés de leurs oripeaux professionnels, réduits à leur névrose, à leur vie privée d’autant plus souvent insatisfaisante qu’ils ont accordé davantage de place au travail. C’est finalement la plus dérangée d’entre ces individualités qui reprendra le rôle de directeur général : le premier rôle dans l’entreprise mais un sale métier, puisqu’il la conduira à justifier toutes les décisions prises à l’encontre des salariés. A lire absolument.

Nathalie Kuperman est romancière.