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Les pratiques

Faurecia reclasse chez son concurrent

Les pratiques | publié le : 21.09.2010 | CHRISTIAN ROBISCHON

Le fabricant de sièges automobiles a introduit dans le PSE de son usine alsacienne des offres de reclassement vers un concurrent en Allemagne frontalière. Celui-là même qui a provoqué ses suppressions d’emplois en lui ravissant un marché.

Reclasser ses salariés chez le concurrent par la faute duquel vous supprimez des emplois : l’équipementier automobile Faurecia inaugure cette version inédite du boomerang. Son usine de sièges de Pulversheim (Haut-Rhin), qui fournissait la Citroën C4 produite par le site PSA voisin de Mulhouse, a en effet perdu le marché de la nouvelle version du modèle, au profit de son confrère Johnson Controls installé à une quarantaine de kilomètres, à Neuenburg en Allemagne.

La perte du contrat entraîne la suppression de 127 emplois. Le groupe français a proposé des reclassements sur les sites locaux de PSA, son actionnaire principal (à Mulhouse surtout, à Sochaux plus marginalement), mais aussi auprès du nouveau titulaire du marché. « La démar­che est pragmatique : Johnson Controls recherche du personnel en nombre et qualifié, dans les mêmes métiers », commente la direction de Faurecia.

Début septembre, au terme de la période probatoire de deux mois, environ 40 personnes ont franchi la frontière et rejoint l’entreprise allemande, qui proposait une centaine de postes.

Un statut de travailleur frontalier

Pour les salariés concernés, si le type de travail ne change pas, les conditions de son exercice ont été chamboulées. D’une part, travailler chez Johnson a impliqué de passer au statut particulier de travailleur frontalier, employé en Allemagne mais résidant en France. Ce qui n’est pas neutre : « Pour retrouver une couverture sociale équivalente, les reclassés chez Johnson doivent souscrire une mutuelle-santé et une retraite complémentaires à titre individuel, car leur nouvel employeur ne leur propose pas de contrats collectifs. Le cas n’est pas rare en Allemagne, adepte de la capitalisation », souligne par exemple Charles Flory, président du CPTFE. Cette association locale de défense des frontaliers a été appelée en renfort par Faurecia pour répondre aux nombreuses questions pratiques des salariés.

D’autre part, même si leur net augmente de 15 %, les futurs Johnson ne gagnent pas au change. La hausse de salaire est vite compensée par des primes moindres ou inexistantes (ancienneté, transport), un surcroît de déplacement, des horaires de travail plus contraignants pour la vie de famille, des heures supplémentaires moins bien payées, et surtout la remontée du temps de travail : en Allemagne, il se situe à 40 heures. Sur l’année, les six jours de vacances supplémentaires ne comblent pas la différence.

Pour toutes ces raisons, la proposition a rencontré moins d’engouement que les employeurs l’espéraient, relève Fabien Pernot, secrétaire du CE de Pulversheim : « En dépit de la prime Faurecia extra-légale de près de 24000 euros, il y a eu moins de volontaires au reclassement chez Johnson que de postes proposés. Pour PSA, à l’inverse, il y a eu plus de candidats que d’élus : les 70 emplois ouverts ont tous trouvé preneur, malgré des primes de départ moins généreuses. »

Licenciements évités

Malgré ce bilan jugé mitigé, les reclassements chez Johnson ont permis d’éviter les licenciements secs. Même si les salariés qui ont pris l’option transfrontalière avaient, somme toute, un choix relatif : « PSA ne réembauchant pas tout le monde, pour les autres, c’était Johnson ou le chômage », souligne Charles Flory.

Auteur

  • CHRISTIAN ROBISCHON