logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les pratiques

Redistribution d’effectifs chez le carrossier vendéen

Les pratiques | Retour sur… | publié le : 14.09.2010 | MARIE-MADELEINE SÈVE

Après la reprise d’Heuliez par un duo franco-allemand, 80 % des emplois ont été sauvés. Mais le personnel a dû être réparti dans deux entités. Et des dizaines de salariés en portage sont en attente d’un poste d’ici à l’été prochain.

Cet été à Cerizay (Deux-Sèvres), Heuliez n’aura pas évité la casse. Ni sur l’emploi, ni sur l’intégrité de son périmètre. Mais au moins, les salariés sont sortis du mauvais feuilleton BKC (Bernard Krief Consultants), le “sauveur” du carrossier vendéen il y a un an et qui a jeté l’éponge au mois de mai. « On est content de tourner la page, déclare Jean-Emmanuel Vallade, délégué syndical de la CFE-CGC. Simplement, le prix en est élevé : une vente par appartement et un plan social. »

Entités juridiques distinctes

Le 30 juin dernier, en effet, le tribunal de commerce de Niort a tranché. Heuliez se retrouve coupé en deux entités juridiques distinctes parce que repris par deux groupes. L’un, le Français BGI (Baelen Gaillard Industries) a acquis l’activité traditionnelle, la carrosserie, l’emboutissage, le ferrage. L’autre, un trio allemand du secteur des services (Conenergy, Kohl, Procar) est devenu, aux côtés de la région Poitou-Charentes, l’actionnaire majoritaire de l’activité véhicules électriques de l’ex-filiale HVE, rebaptisée Mia Electric, du nom de la petite voiture maison aux batteries de lithium, en prototypage.

Un PSE pour deux sociétés

Avec cette nouvelle configuration, les salariés d’Heuliez se trouvent confrontés à des destinées diverses. Les syndicats ont négocié durant le redressement judiciaire de la maison-mère leur troisième plan social en quatre ans. Ils ont notamment obtenu une priorité de réembauche sur deux ans. Chacun des repreneurs ayant évalué ses besoins en termes d’effectifs, ce sont au total 481 personnes qui ont été gardées sur plus de 600 CDI. Autrement dit, il y a eu 127 départs, dont 81 licenciements secs. Mais ces chiffres masquent des spécificités.

La première consiste en un partage inéluctable du personnel. Ainsi, Mia Electric a repris d’emblée les 35 salariés du bureau d’étude de feu HVE. Mais il lui a aussi fallu songer à embaucher très vite du personnel en propre pour fonctionner. « Certains salariés de l’activité traditionnelle d’Heuliez travaillaient en sous-traitance pour les véhicules électriques, explique Arnaud Marion, président de transition de HVE jusqu’au 9 juillet. Alors, j’en ai recruté 64 et nous les avons transférés chez nous. » Tous des cols blancs, concepteurs, méthodistes, qualiticiens, logisticiens, acheteurs, etc., qui devront à terme signer un nouveau contrat de travail, puisqu’ils ne sont plus Heuliez.

La seconde spécificité tient en deux mots : portage salarial. Il s’agit de contrats en CDI bien réels mais mis en réserve d’activité, le temps que les deux sociétés prennent leur essor. Un dispositif de sécurisation des parcours professionnels, déjà utilisé à l’époque BKC et que les syndicats ont “vendu” aux deux acquéreurs. « D’ici à moins d’un an, ils auront besoin de cols bleus pour fabriquer, assembler, stocker, surtout pour la future Mia, détaille Jean-Emmanuel Vallade. Autant garder les compétences qui se trouvaient chez nous et sauver des emplois. »

Portage salarial

BGI a ainsi repris 333 salariés en tout, dont 20 en portage, et Mia Electric a repris 149 salariés, dont 50 en portage. Ce qui fait 70 salariés au total, caristes, magasiniers, monteurs, régleurs, contrôleurs, soudeurs, chefs d’équipe, etc., tous volontaires et en attente d’un emploi d’ici à mi-2011. Ils bénéficient d’une convention de portage sur un an, signée par leur employeur avec l’Etat, la région, et l’Opca de la métallurgie. Grâce au soutien financier de ces institutions, les salariés portés ont droit à des formations et à l’APLD (activité partielle de longue durée). Ils devraient suivre des stages de 200 heures en moyenne chacun et durant lesquels ils seront payés à 100 %. En revanche, le temps du chômage partiel, ils ne touchent que 75 % de leur salaire brut mais 95 % du net du fait d’allègements de charges.

Suspension de certains engagements

Enfin, ils sont invités à venir prêter main-forte sur le site ou chez d’autres industriels locaux selon la demande. Le “hic”, c’est que la convention précédente, signée par BKC jusqu’à fin 2010 est devenue caduque. « Du coup, des salariés qui étaient dans le processus n’ont pas pu entamer ou achever leur formation, sauf ceux qui ont passé leur BTS carrosserie, déplore Emile Brégeon, délégué syndical CFDT. Toutefois, certains de ces engagements sont seulement suspendus. »

La troisième spécificité découle de la coupure administrative et non physique d’Heuliez, puisque tout le monde travaille sur le même site. Un passage délicat ! « On va avoir du mal à s’habituer, lâchent certains. On a le même restaurant d’entreprise, la même infirmerie et encore le même CE. » D’autant que des liens commerciaux subsistent entre les deux repreneurs : BGI fabriquera les châssis de la future Mia pour son voisin.

Et quid de la représentation des salariés ? Jusque-là, les mandats syndicaux étaient polyvalents. Mais d’ici à la fin 2010, chaque société va devoir organiser des élections et renégocier tous les accords d’entreprise : horaires, salaires, primes, déplacements… Les prochains élus, eux, ne chômeront pas !

Auteur

  • MARIE-MADELEINE SÈVE