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Les femmes “moins égales” que les hommes devant la retraite

L’actualité | publié le : 14.09.2010 | EMMANUEL FRANCK

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Les femmes “moins égales” que les hommes devant la retraite

Crédit photo EMMANUEL FRANCK

Le report de 65 à 67 ans de l’âge de départ pour une retraite à taux plein pénaliserait davantage les femmes que les hommes, rappellent plusieurs députés et des associations. Toutefois, il existe aujourd’hui un dispositif permettant aux entreprises de réduire les écarts entre les niveaux de pension.

Alors que démarre l’examen de la loi réformant les retraites, les critiques sur le fond du projet se mêlent à des revendications segmentées. Les carrières longues, les polypensionnés, les métiers pénibles ont déjà été identifiés comme des populations pénalisées par la réforme. La semaine dernière, deux initiatives ont rappelé que les femmes sont également parmi les perdants.

La Halde saisie pour discrimination

Dans sa version actuelle, le texte du gouvernement comporte des dispositions susceptibles de réduire les écarts entre le montant des pensions des hommes et celui des femmes (lire encadré p. 6), mais ces dispositions ne suffiront sans doute pas à compenser les conséquences du report de 65 à 67 ans de l’âge de départ sans décote, qui pénalisera davantage les femmes.

C’est donc contre cette disposition que se sont concentrées les deux initiatives de la semaine dernière. Plusieurs députés de gauche et des associations (Attac, fondation Copernic, collectif national pour les droits des femmes) ont ainsi annoncé, le 6 septembre, avoir saisi la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde) pour « discrimination envers les femmes » dans le projet de loi.

Le même jour, le Laboratoire de l’égalité, une association œuvrant à la réalisation de l’égalité entre les hommes et les femmes, s’appuyait sur un sondage pour demander le maintien à 65 ans de l’âge de retraite à taux plein. Du sondage, il ressort notamment que les femmes ont plus peur que les hommes que la réforme se traduise par « moins d’argent » pour leur retraite (59 % contre 43 %).

Selon cette association, moins marquée politiquement puisqu’elle regroupe des personnalités de tous horizons dont Pascal Bernard, vice-président de l’ANDRH, et Armelle Carminati, directrice de la diversité d’Accenture, le report de la retraite à taux plein « va frapper de plein fouet toutes les femmes qui, s’étant interrompues pour élever leurs enfants, devront travailler plus longtemps pour accéder à une retraite à taux plein ».

Déjà actuellement, davantage de femmes que d’hommes partent après 65 ans. Parce qu’elles sont plus nombreuses à travailler à temps partiel (30 % contre 5 % des hommes), volontairement ou non, et à interrompre momentanément leur carrière, elles sont aussi moins nombreuses à valider une carrière complète. C’était le cas de 63 % des femmes parties à la retraite en 2004 contre 84 % des hommes*.

Montants inférieurs

Ceci explique en partie - l’autre raison étant que les femmes sont moins bien rémunérées - pourquoi les pensions de ces femmes sont inférieures de 29 % à celles des hommes de la même génération, même en prenant en compte la reversion et le minimum vieillesse : 1 191 euros contre 1 672 euros. En effet, comme le rappelle la sociologue Dominique Méda, cofondatrice du Laboratoire de l’égalité, « un an d’interruption de carrière diminue de 11 % le montant d’une pension ».

Départ en retraite retardé

Aussi, pour espérer une pension complète, les femmes doivent-elles retarder leur départ. C’est pourquoi une femme sur trois part à la retraite après 65 ans contre un homme sur vingt. Décaler de 65 ans à 67 ans la retraite à taux plein reviendrait donc à faire peser l’effort supplémentaire sur les femmes davantage que sur les hommes.

Il y a toutefois peu de chances que le gouvernement modifie une disposition centrale de sa réforme. Pour autant, cela ne veut pas dire que les femmes sont condamnées à percevoir des pensions inférieures à celles des hommes. Il existe en effet d’autres leviers qui sont, cette fois, aux mains des entreprises (lire p. 5).

* “Les pensions perçues par les retraités fin 2004”, Etudes et résultats, Drees, novembre 2006 version corrigée mai 2007.

Comment les entreprises pourraient agir

Les entreprises pourraient être family friendly, si elles le voulaient et si les pouvoirs publics y mettaient un peu du leur. Les entreprises ont en effet la possibilité de payer le delta des cotisations retraites complémentaires de leurs salariés en temps partiel ou en congé parental. Outre que cette mesure améliore les droits à la retraite des femmes (majoritaires parmi les temps partiels et les congés parentaux), elle peut avoir un effet incitatif sur les hommes.

Deux cas de figure coexistent. Depuis la loi de 2003 sur les retraites, les entreprises ont la possibilité de prendre en charge la part salariale des cotisations au régime général et aux régimes complémentaires de retraite de leurs salariés qui font individuellement le choix de travailler à temps partiel (L. 241-3-1 du code de la Sécurité sociale) sans que celles-ci soient soumises à des charges sociales.

Avantage en nature

Le système est différent pour les salariés en congé parental. La jurisprudence considère que la prise en charge de la part salariale des cotisations par l’employeur est un avantage en nature, soumis à charges sociales. Les entreprises ne se sont donc pas engagées dans ce dispositif.

Toutefois, Alstom Transport a tenté de faire évoluer la position des pouvoirs publics. Dans son accord sur l’“équilibre travail et vie privée” du 10 juillet 2009, l’entreprise se proposait de prendre en charge, pendant six mois, la totalité des cotisations retraite aux régimes complémentaires des salariés en congé parental « sous réserve que les pouvoirs publics se soient prononcés en faveur d’une exonération de charges sociales sur le paiement de ces cotisations et que les instances paritaires de l’Agirc-Arrco aient autorisé la prise en charge pendant cette durée définie » (lire également Entreprise & Carrières n° 963).

Les instances de l’Agirc ont accepté que la prise en charge soit limitée à six mois, au lieu de porter sur la totalité du congé. En revanche, « les pouvoirs publics refusent de s’engager sur les exonérations car ils craignent un risque d’évasion sociale », déclare François Fatoux, délégué général de l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises, qui, en juin dernier, tentait encore de convaincre le ministère du Travail de l’intérêt d’une telle mesure.

« Au regard des discriminations que subissent les femmes pour leurs droits à retraite et des problèmes de financement des régimes sociaux, il serait dommage de priver ces derniers de cotisations supplémentaires que pourraient apporter les entreprises », estime-t-il.

E. F.

Les femmes dans le projet de loi : une prise en compte à la marge

Dans la version actuelle du projet de loi sur la réforme des retraites, deux articles ciblent spécifiquement la question des inégalités entre hommes et femmes.

→ Article 30

Actuellement, les indemnités journalières perçues au cours d’un congé maternité ne sont pas prises en compte dans le calcul du salaire annuel moyen, un des éléments qui permet d’établir le montant de la pension de retraite. Le projet de loi prévoit de remédier à cet état de fait afin de ne plus amputer le montant de la retraite des mères des périodes de maternité.

→ Article 31

Seulement 65 % des entreprises de plus de 300 salariés réalisent un rapport de situation comparée entre hommes et femmes. Le projet de loi crée une sanction financière pour les entreprises qui ne respectent pas cette obligation légale. Le montant de la pénalité s’élèvera au maximum à 1 % de la masse salariale annuelle brute, mais pourra être modulé en fonction des « efforts constatés » par l’autorité administrative compétente en matière d’égalité dans l’entreprise.

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK